Sur les routes turques

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Au poste frontière géorgo-turque, la paperasse administrative nous oblige à nous séparer de Maïka et Christoph, disloquant du même coup le Russian Gang. Les deux side-cars Urals s’élancent donc seuls, sans le UAZ, leur compagnon de route depuis près de 1000 kilomètres. Mais bien entendu sur cet axe principal qui traverse le pays d’Est en Ouest, de nombreux camions et autres camionnettes de livraison nous tiennent compagnie. Tout au long de ces 500 km, nous avançons sur une bande de 5 kilomètres de large grandement bétonnée. L’urbanisation a pris le dessus sur la nature. Au milieu des immeubles se cachent de nombreux minarets ; et par moment, de larges ponts enjambent de petits cours d’eau qui se faufilent jusqu’à la mer Noire. Cette dernière s’étire sur notre droite, jusqu’à ce que nous atteignons la ville de Samsun, alors que, sur notre gauche, défilent les collines verdoyantes des premiers reliefs montagneux de la chaîne Pontique.

Nous entrons ensuite à l’intérieur du pays et partons à la conquête de ses collines et larges plaines. Le paysage est quadrillé de champs de céréales. La période des moissons débute. Aux aurores, les agriculteurs sont à pied d’oeuvre prêts à en découdre avec la terre.

Les fermes sont inégalement équipées. Il nous arrive de voir de vieux engins tourner à plein régime, quand quelques kilomètres plus loin, ils ont laissé la place à des tracteurs occidentaux high-tech.

Puis au cœur de ces terres agricoles, alors que le paysage n’a que peu évolué depuis plusieurs centaines de kilomètres, apparaissent à l’improviste les falaises de la Cappadoce et leurs couleurs ocres et crèmes.

La route serpente entre les massifs rocheux, les différentes vallées et grimpe jusqu’au sommet de la ville de Uçhisar pour offrir un magnifique point de vue sur la région.

La chaleur se fait ressentir, et c’est au soleil couchant que l’on reprend la route entre volcans et bottes de paille pour rejoindre le Lac du Narligöl. Pour rejoindre ce plan d’eau au coeur d’un des cratères de la région, nous empruntons une étrange route où les pavés ont remplacé l’asphalte. Habitués à voir ce revêtement au cœur des cités historiques, nous sommes étonnés de le voir vêtir cette petite route perdue de la campagne turque.

Une nouvelle fois les couleurs dorées de cette fin de journée sont chaleureuses et renforcent la magie du lieu.

L’étape suivante nous conduit au Lac Egirdir. Après une nuit sur ses rives, nous longeons l’étendue d’eau, avec en toile de fond les montagnes environnantes éclairées par le doux soleil du matin. La route se poursuit au milieu des montagnes, jusqu’à une dernière ascension au dénivelé des plus raides qui nous permet d’atteindre le site archéologique de Sagalassos. En contrebas de ce dernier, dans la ville d’Aglasun, nous assistons à une manoeuvre épique d’une mamie. Au volant de son tracteur, elle dévala la pente qui la conduisait de la montagne vers la ville. Freinant tardivement, elle manqua de peu de rentrer dans une voiture, en voulant se garer à côté de nous. Plus de peur que de mal pour elle, et c’est très bien ainsi.

Arrivés sur la côte méditerranéenne, la chaleur sur la route se fait de plus en plus ressentir. Il  nous faut aménager notre rythme journalier pour s’adapter aux fortes chaleurs. Nos journées s’organisaient désormais ainsi : roulage le matin de bonne heure, pause baignade pendant les heures les plus chaudes de la journée, pour enfin reprendre la route en fin d’après-midi afin de se mettre en quête d’un spot de camping sauvage.

Ainsi pour partir à la découverte de la petite crique de la Vallée des Papillons, nous faisons rugir le moteur des bolides dès 6h, avec un choco pour seul carburant dans le ventre des pilotes. Pour rejoindre le petit village surplombant la vallée, nous quittons rapidement l’axe principal pour emprunter la route de la côte. Ce fin trait de vieux bitume irrégulier grimpe sur cette montagne qui se jette dans la mer. Avec la succession de lacets, pilotes et co-pilotes savourent à tour de rôle le spectacle offert par la Mer Méditerranée au lever du soleil.

Notre étape dans la ville balnéaire d’Oludeniz, marque le passage du cap des 30 000 kilomètres de voyage. Un symbole également synonyme de révision mécanique et de vidange. Nous nous procurons l’huile moteur dans une station Shell à l’entrée de la ville. La danse de la clé dynamométrique et des clés plates débute dès 7h dans une petite rue ombragée de Hisaronü, adjacente à celle de notre hôtel. La journée se conclue par les traditionnels réglages des soupapes et graissages des cardans avant de partir chevaucher les engins jusqu’à la plage de Gemiler.

Pour rejoindre le site archéologique d’Ephèse nous empruntons pour la première fois en Turquie, une portion d’autoroute payante. Mais lorsque nous passons les barrières de péage, rien ni personne ne nous empêche de passer sans payer. À notre arrivée dans la ville de Selcuk, nous nous renseignons sur le sujet et apprenons que pour payer les autoroutes nous devons nous munir d’une carte magnétique rechargeable, que l’on peut se procurer dans les agences de la Poste nationale. Nous faisons donc un crochet par le bureau le plus proche pour régulariser notre situation.

Notre périple turque se ponctue par la traversée de la péninsule de Gallipoli. Après une nuit sur l’une de ses plages, nous mettons les voiles sous les premières lueurs du jour. À contre-jour, l’ombre du side-car de Marie et Julien se trace un chemin au coeur des champs de tournesol. Les fleurs du soleil cèdent ensuite la place à de vieux oliviers puis au détroit des Dardanelles, traversé la veille en ferry. En ce début de weekend, de nombreux voiliers sont de sortie et avancent vents arrières vers la Méditerranée, tandis que nous faisons route en sens inverse vers la frontière grecque.