Rencontres Russes

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Marina de Iekaterinbourg

Le premier contact avec Marina fut en amont de notre voyage pour essayer de trouver une solution pour expédier nos side-cars depuis l’Amérique du Sud et réussir à les faire importer en Russie. Nous espérions que son poste de responsable de l’entreprise « Seametria », en charge de l’importation de pièces mécaniques pour le compte de l’entreprise Ural de Irbit, soit un facilitateur pour entreprendre cette démarche. Mais, importer des véhicules par la mer et quitter ensuite le pays au guidon des side-cars par une frontière terrestre, est  impossible en Russie. Un triste constat qui interrompit au même moment nos échanges avec Marina. Mais avec toute la gentillesse qui lui est propre, elle nous a proposé de la recontacter lorsque nous nous rapprocherions de Iekaterinbourg.

Ainsi la veille de notre arrivée dans la ville et après plus de 6 mois sans donner la moindre nouvelle, nous avons envoyé un nouveau message à Marina, comme on pourrait lancer une bouteille à la mer ! Et à notre grande surprise, nous avons obtenu une réponse des plus enjouées. Marina se plia alors en quatre pour nous organiser un programme au petit oignon. Elle nous proposa de nous rencontrer autour d’un dîner dans le centre historique de la ville. C’est ainsi que dès le soir suivant à 20h, nous la rejoignons au « Double Grill and Bar », en compagnie de son conjoint et de l’une de ses collègues. À la suite de ce chouette repas, autour de copieux et savoureux burgers, arrosés de bonnes bières locales, elle nous a offert en guise de cadeau de rencontre, 4 marinières inspirées de la tenue officielle de la marine russe. Elles deviendront rapidement la tenue officielle de l’équipe.

Le lendemain, Marina nous organisa une visite de la ville de Iekaterinbourg avec une guide, Lubov (ses coordonnées juste ici). L’occasion parfaite de découvrir tous les secrets de cette jolie ville russe.

Jenya, Sergei, Masha et Eugène

À notre arrivée à Irbit notre premier objectif est de mettre la main sur une “gostinitsa” où nous pourrions établir nos quartiers pour les quelques jours que nous passerons dans cette ville symbolique, lieu de naissance de nos side-cars. Dans le centre-ville,  à proximité de la grande place où trône le monument célébrant la victoire de la Grande Guerre patriotique, nous nous garons devant un bâtiment à l’architecture similaire à un HLM, hors d’âge. Le GPS est formel, un hôtel devrait se trouver ici. Les filles y pénètrent et espèrent obtenir des informations sur d’éventuelles chambres disponibles. Garés au pied de l’immeuble, alors qu’avec Julien nous faisions le débriefing de l’étape du jour, Jenya et Sergei, motards eux aussi et intrigués par notre voyage, viennent à notre rencontre. Nous échangeons quelques mots à l’aide de nos téléphones portables. Une fois installés au dernier étage du vieille édifice, dans un petit appartement à la décoration  vintage, nous les retrouvons pour découvrir la ville.

La promenade débute par l’achat de glaces faites par la laiterie artisanale locale. Nous déambulons ensuite dans les rues de la cité jusqu’à atteindre le “Carré des Lilas,” une vaste place bordée par le bureau de poste, le monument à la gloire de Catherine II et quelques commerces. À quelques encablures de là, nous partageons une bière sur un banc. L’endroit est très charmant. À notre droite nous pouvons apprécier l’architecture d’une ancienne tour de guet en bois, reconstitution de celle fondée par les colons dans la première moitié du XVIIe siècle, date de fondation de la ville. Derrière nous, un joli petit pont suspendu enjambe la rivière Irbitka. L’édifice, piéton, est la porte d’entrée de l’ancien parc et de ses sentiers abandonnés. Créé par Vasily Nikolayevich, au début du XXe siècle, il permettait dans ces belles années, d’apprécier le travail de cet homme qui pendant plus de 55 ans apporta plus de 50 variétés de fleurs. Grâce à lui, les lilas se sont aujourd’hui acclimatés au climat ouralien et sont venus fleurir la place qui aujourd’hui porte le nom de cette plante violette.

Notre breuvage terminé, nous poursuivons notre découverte de la ville au coucher du soleil, en prenant la direction de l’usine Ural. Nous empruntons l’ancienne entrée de l’usine avant de nous perdre entre les allées et les anciennes voies de chemin de fer, se frayant un chemin entre les vieux bâtiments désaffectés. L’usine a pu produire jusqu’à 150 000 motos par an sous l’ère soviétique, alors qu’en 2010 elle ne voit sortir de ses lignes d’assemblage que 800 side-cars, faisant de ce lieu une véritable ville dans la ville, aujourd’hui à l’abandon.

Le lendemain, après une journée riche en rebondissement dans l’antre de l’usine Ural (retrouver tous les détails dans notre précédent article ici), nous retrouvons Jenya et Sergei, au pied de notre “gostinitsa.” Ils sont accompagnés d’amis motards formant un impressionnant cercle de “golgoths” russes, blouson en cuir sur les épaules. Ils nous invitent à un barbecue, appelé ici “chachlik,” du nom des brochettes de viande marinée qu’ils font cuire sur les braises. Pour cela nous les suivons à pied jusqu’à la sortie de la ville. C’est là qu’a été construit dans les années 60, un véritable lotissement de garages. La vie sociale s’est alors progressivement développée dans ce que l’on appelle ici les “garajniki”. Ici, chacun se prête main forte, que ce soit pour cuire du pain, réparer un appareil électroménager ou fumer du poisson, le tout dans une ambiance de grande débrouillardise. On y répare toujours de vieilles mobylettes, des motos et des voitures de marques européennes d’un autre temps. Selon Sergei, c’est d’ailleurs derrière ces portes métalliques que se concentre le plus grand nombre de side-cars Ural au kilomètre carré. Certes, peu sont en capacité de rouler mais, ici, chaque famille a entreposé le vieux “tracteur” familial.

La soirée avance progressivement, nous avons pris place dans les canapés positionnés au fond du garage de Jenya et Sergei. Dehors le barbecue est allumé et les brochettes de viande marinée crépitent sous l’action des braises.  Pour nous faire patienter en attendant que la viande dore, nos amis nous font découvrir l’un de leurs amuse-bouche préférés, le poisson fumé. Ici pas de chichi, à tour de rôle on attrape un petit poisson avant de croquer dedans à pleinesdents, déchirant les filets tout en prenant bien soin de ne pas croquer dans les abats. Les téléphones passent de main en main. Notre nouvelle application préférée : “google traduction” révèle chacune de nos blagues et autres anecdotes. Entre tours de magie et découverte des musiques populaires russes, l’heure tourne sans que nous nous en rendions compte. La soirée se terminera à 4h du matin sur la place à proximité de notre hôtel où officie la supérette 24/24.

Pour notre troisième soirée ensemble, Jenya, Sergei et Eugène, accompagné de Ivan, nous rejoignent une nouvelle fois en bas de notre immeuble. Nous traversons la ville pour atteindre un vieux bâtiment industriel qui abrite à l’étage un bowling. L’intérieur, certes vide ce soir, ressemble aux salles que l’on connaît en France. Dans cet espace, il y règne un esprit clubbing. Le patron des lieux nous fait d’ailleurs une petite démo de ses talents de DJ. Entre la dégustation d’une nouvelle crème glacée de la ville et le partage d’une chicha, les boules percutent “presque” systématiquement les quilles de l’autre côté de la piste.

Le soir de notre quatrième et dernière soirée à Irbit, nous rejoignons une ultime fois nos amis d’Irbit pour partager ce qui devait être la bière “finale”. Le froid étant bien prégnant et les bières déjà achetées au supermarché, Sergei demande à Eugène s’il est possible de venir les boire dans le gymnase où il officie en tant qu’entraineur d’athlétisme. Une fois obtenue la réponse positive, nous nous dirigeons vers le bâtiment municipal, puis grimpons à l’étage dans la tanière du coach. Nous prenons place sur les canapés qui font face à son bureau. Une fois les bières finies, Eugène nous offre fanions et médailles en tant que souvenirs. Puis par surprise, sort des bouteilles de vodka de sous son armoire. Nous ne pouvons refuser ce geste d’affection et partageons quelques shots accompagnés de cornichons, charcuterie et fromages.

Le lendemain matin après un nouveau réveil difficile, alors que nous rangeons nos affaires sur les sides, une journaliste se présente à nous. Nous voilà, à 5 minutes du départ, devant une caméra enregistrant notre  interview, aidés de google traduction. Nous sommes rejoints à ce moment là par Eugène, Masha et un de leurs amis motards. Eugène nous est alors d’une grande aide et devient notre attaché de presse résumant à la perfection notre périple auprès de la journaliste. Une fois le voyage décrit sous toutes ses coutures, il nous offre l’autocollant de la Russie, tant recherché, que l’on colle sur nos valises aux côtés de ceux des précédents pays traversés, ainsi qu’un joli pin’s de l’entreprise IMZ (l’usine Ural).

Nous prenons ensuite la route sous un beau soleil en leur compagnie. Sur les 50 premiers kilomètres en direction de Iekaterinbourg, ils doivent faire preuve d’un peu de patience au vu de la vitesse de pointe de nos tracteurs, tandis qu’ils chevauchent de vraies sportives. À mi-chemin nous tombons en panne d’essence, et ce bien que le compteur affiche 100 kilomètres depuis le dernier plein (soit approximativement un tiers du réservoir). Mais nous avions oublié de prendre en considération la perte d’essence lorsque les techniciens ont démonté nos réservoirs. Eugène nous avait pourtant posé la question avant de partir. Par chance, nos bidons de secours n’étaient eux pas vides. C’est après en avoir versé le contenu dans le réservoir que nous reprenons la route jusqu’à un café situé quelques kilomètres plus loin. Nous y dégustons une soupe Salenka accompagnée d’un sandwich de viande. Dernier tour de magie fait avec une cigarette avant la dernière accolade. Les motards d’Irbit rentrent au bercail quand les Urals, elles, poursuivent leur route vers Iekaterinbourg puis le Kazakhstan. Pour la première fois, nous mettons le cap en direction de la maison !. En plus de la peine de quitter nos amis, une pointe de nostalgie fait son apparition, pour la première fois la fin du voyage se fait ressentir…

Ivan et le Motoclub des Loups de la Nuit de Orenbourg

Arrivés à Orenbourg, la dernière ville principale avant la frontière Kazakh, nous nous mettons en quête d’huile pour la vidange de nos moteurs. Mais dans les différentes boutiques que nous faisons, impossible de trouver de la 20W50. Il fait trop froid ici et les valeurs les plus hautes ne sont que du 10W40. Les différentes boutiques visitées vendent même régulièrement de la 0W50. Au vu de la météo qui nous attend ces prochains jours dans le désert kazakh, il nous faut maintenir des valeurs d’acuité de l’huile plus élevées.

Devant l’une des boutiques, nous rencontrons Ivan. Passionné de moto, il nous file un coup de main et appelle une dernière échoppe qu’il connaît, le “Motokrug56”. Le patron au téléphone lui assure qu’il devrait avoir ça en stock. Nous suivons donc Ivan et sa voiture Daewoo dans les rues de la ville. A l’heure de la débauche, le trafic est important et il faut parfois « jouer des coudes » dans les différents carrefours.

Le vendeur d’huile n’est autre que le président du club de moto des “Loups de la Nuit” de Orenbourg. Ce motoclub est très présent nationalement et en Europe de l’Est où il joue un important rôle politique aux côtés du Président Poutine. Mais lui non plus n’a pas dans ses stocks l’huile qu’il nous faut. Il tente un dernier coup de poker en prenant contact par téléphone avec un revendeur Motul à Ouralsk, notre première ville étape au Kazakhstan. À l’autre bout du fil, la personne lui garantit de réserver 6 litres d’huile 20W50 pour les “petits français” qui débarqueront dans les prochains jours. Les échanges sur les motos et le voyage se poursuivent avec l’aide de « Google traduction ». Nous visitons l’entrepot du magasin se trouvant au sou-sol (un vieil Ural avec pneus cloutés, dormant au fond du garage, est préparé spécialement pour les courses sur glace, véritable tradition hivernale russe) et prenons la pause pour quelques photos de groupe.

Le lendemain, en l’absence d’huile pour les vidanges et les importantes rafales de vent qui font virevolter trop de poussière pour que l’on puisse s’atteler aux soupapes, il nous faut nous rendre à l’évidence et reportons la session mécanique. Pas de véritable excuse pour les graissages des cardans mais ils attendront eux-aussi. Nous privilégions la visite de la ville guidée par Ivan. Nous pérégrinons dans le jardin de “Frunz” où sont exposés différents véhicules qui illustrent le savoir-faire technologique russe dont parmi eux de nombreux véhicules militaires et un vieux side-car Ural. Nous poursuivons notre visite du centre historique sur les quais aménagés des rives de l’Oural puis empruntons le pont qui sépare l’Europe et l’Asie en enjambant le fleuve.

C’est à la sortie d’une entreprise spécialisée dans l’aérospatiale que nous retrouvons la petite-amie de Ivan. Elle y occupe un poste dont les missions sont classées « secret-défense ». Nous nous rendons ensuite au pied du monument dédié au célèbre Yuri Gagarine. L’astronaute a en effet étudié dans la ville avant de réaliser son exploit dans l’espace. Au pied de la statu,e, nous sommes rejoints par Peter, l’un des jeunes membres du motoclub. Nous nous dirigeons ensemble vers le café à côté du magasin Motokrug56 où nous sommes invités par nos amis à déguster des chachlik. La soirée se termine en visitant avec eux l’atelier où sont entreposées les motos du club. Le lendemain nous laissons derrière nous Ivan, les membres du motoclub et Orenbourg, pour prendre la direction de la frontière kazakh.

Expériences russes

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« Irbitski Mototsikletny Zavod », la tanière des side-cars Ural

Après 2 500 kilomètres à l’est de Saint-Pétersbourg, nous atteignons Irbit, lieu de fabrication de nos side-cars. Le lendemain de notre arrivée dans cette ville de 40 000 habitants, située à la lisière des plaines de Sibérie, vient le moment tant attendu de découvrir la tanière où virent le jour nos fidèles destriers.

Nous avions rendez-vous à 10h, mais sans nouvelles depuis plusieurs jours de Marina, notre contact au sein de l’entreprise Ural, c’est avec un soupçon de stress que nous récupérons les side-cars sur le petit parking surveillé où ils ont passé la nuit. Nous traversons la ville pour rejoindre le site de l’usine Ural et, à peine avons nous fait irruption sur le parking et coupé les moteurs, Marina nous rejoint sur le parvis de l’usine accompagnée du Responsable de la Sécurité.

Seul un autocollant  sur la vitre du bâtiment rappelle le nom de la marque. Les lourdes portes métalliques bleu roi de l’entrée s’ouvrent. Ici pas de baie vitrée ou de porte coulissante, la pièce faisant office d’accueil n’est pas chaleureuse, et nous met tout de suite dans le bain. L’usine n’est en rien un lieu d’exposition ou un espace de promotion de la marque, ici pas de showroom ni de bureau marketing dernier cri, nous sommes dans le rustique et l’opérationnel. L’entrée principale est traversée chaque matin par l’ensemble des salariés de l’usine. Ce premier sas est sombre et n’a pour seul personnel d’accueil qu’un agent dont la mission est de superviser le fonctionnement du portique détectant les métaux. De l’autre côté de cette pièce, une nouvelle porte donne sur l’extérieur. Nous traversons la cour principale de l’usine. Au milieu de ce vaste espace, sur une plateforme à 3 mètres du sol, trône une moto M-72, le modèle avec lequel tout a commencé pour l’usine IMZ : Irbitski Mototsikletny Zavod (Usine de Motocycles d’Irbit). Plus de doute possible, nous voici dans l’antre de la bête.

Nous suivons Marina et pénétrons dans l’atelier d’assemblage. Lorsque la grosse porte du hangar s’ouvre, l’alarme retentit, prévenant tous les techniciens de notre entrée dans le bâtiment.

Devant nous, une large allée nous fait face avec de part et d’autre des étagères où sont stockées les différentes pièces de nos bolides, prêtent à être montées sur le prochain châssis qui se présentera ; une véritable caverne d’Ali Baba. 

Afin de clôturer l’assemblage et avant la mise en carton des nouveaux engins, les techniciens soumettent les side-cars à une batterie de tests. Celui qui consiste à vérifier l’efficacité des freins restera dans nos mémoires. S’élançant depuis l’extrémité de l’allée principale, le pilote au bout de la ligne droite d’une cinquantaine de mètres écrase les poignées et pédales concernées, laissant une petite trace de gomme sur le sol de l’atelier. 

Une fois notre déambulation terminée, au milieu des caisses de paniers et des side-cars sous cartons, nous demandons à Marina s’il est possible de faire un brin de mécanique dans l’usine. Nous avons pour projet d’entamer le changement de notre embrayage, légèrement fatigué par les 8 premiers mois de voyage. Elle nous propose alors de rentrer les side-cars dans la cour de l’usine. Et après avoir fait le tour de plusieurs bâtiments désaffectés, témoins de l’époque où l’usine tournait encore à plein régime, Emilie et Julien font leur entrée par une porte dérobée pour venir se garer au milieu de la cour principale.

Une fois les bolides stationnés nous entamons une visite des bureaux des ingénieurs. En redescendant, la pause déjeuner vient de commencer et plusieurs ouvriers de l’usine s’affairent autour des sides. Artem, un voyageur russe qui se rend au point le plus à l’est de la Russie au guidon de son side-car Ural, se joint à nous. Nous échangeons quelques mots en anglais, intrigués par nos périples respectifs.

Alors que nous nous apprêtons à sortir les trousses à outils pour nous lancer dans la mécanique. Nous sommes coupés dans notre élan par le Responsable de la Sécurité qui nous invite plutôt à le suivre pour aller déjeuner à la cafétéria, en compagnie des ouvriers de l’usine. Artem nous y rejoint et nous est d’un grand secours pour comprendre les choix de plats qui s’offrent à nous.

Alors que nous savourons notre soupe, nous recevons un message sur Whatsapp de la part de Marina. Elle nous informe que les techniciens s’occupent de changer les embrayages de nos bolides et que nous pouvons les récupérer vers 16h. Nous sommes surpris par ce message et un peu inquiets. Bien que cela puisse paraître étrange, il nous est difficile de laisser nos engins dans d’autres mains que les nôtres ; et ceux même si ce sont celles expertes des ouvriers de l’usine. En effet, nous avons pris l’habitude de tout faire par nous-mêmes depuis le début du voyage.

Pour patienter, nous décidons de nous rendre au musée de la moto, à coté de l’usine. mais nous y trouvons porte-close ce lundi. Ce sera pour demain. Nous voici donc à pied, avec l’étrange impression d’être orphelin de nos “bébés.” À 14h30, alors que nous faisions quelques courses pour passer le temps, nous recevons un nouveau message de Marina qui nous propose de venir nous chercher pour récupérer les clés des réservoirs d’essence des sides. De par notre proximité avec les locaux de l’usine, nous nous y rendons à pied et franchissons, moins de 5 minutes plus tard, la grosse porte bleue de l’entrée. Une fois le portique de sécurité passé, nous nous engouffrons dans le hangar d’assemblag, où ont été garés les sides. Tout l’après-midi les ouvriers et ingénieurs s’affairent autour de nos bolides pour en changer les embrayages et les basculeurs de soupapes. Il est 18h quand nous quittons l’enceinte de l’usine ; la révision, elle, devrait être terminée pour le lendemain à 13h.

Un Whatsapp de Marina arrive finalement dès midi pour nous informer que nos side-cars sont prêts. Nous passons par le supermarché acheter des chocolats pour les gens de l’atelier et un petit bouquet de fleurs pour Marina. Nous retirons au distributeur une petite liasse de billets afin de régler notre dette, si minime au vu du service rendu. À l’atelier, les chocolats font un tabac. Une dame chargée de ramener les paniers de la peinture vers l’assemblage, passe discrètement dans notre dos, nous fait un clin d’oeil avant de s’en mettre plein les poches. Nous échangeons quelques mots avec l’ingénieur, le pilote d’essais Ural, le chef d’atelier et les remercions pour le travail effectué. Un ingénieur R&D, également pilote pour la marque, nous invite dans son bureau pour nous montrer l’itinéraire qu’il recommande pour rejoindre Aktaou au Kazakhstan. 

Nous quittons l’usine vers 15h et profitons de la fin d’après-midi pour visiter le musée de la moto qui jouxte les bâtiments de production. L’ambiance y est là encore d’un autre temps. Dans les salles du musée sont exposées de nombreuses Ural et leurs petites évolutions au fil des années. Il y a également quelques motos étrangères dont plusieurs side-cars BMW et d’impressionnants side-cars de course, aux lignes très profilées.

C’est par ces quelques notes nostalgiques, qui retracent la gloire passée de la marque, que la page de notre visite de Irbit se referme.

 

La messe orthodoxe de la Cathédrale du Dormition à Iaroslavl

En parcourant les routes de Russie, de villes en villages, nous avons pu prendre conscience au combien la Russie était un pays doté d’un riche patrimoine religieux. Les églises, qu’elles soient anciennes ou moderne, en bois ou d’un blanc immaculé, sont omniprésentes dans les paysages ruraux et urbains que nous traversons. L’écrasante majorité d’entre elles sont des églises orthodoxes. Cette religion est de loin la principale confession du pays, qui réunit selon les enquêtes de 70 à 80 % du peuple russe.

Sur les rives de la Volga, à Iaroslavl, nous avons pu apprécier tout particulièrement la beauté de la majestueuse cathédrale de la Dormition. Son nom provient de la fête de la “Dormition de la Très Sainte Mère de Dieu”, célébrée le 15 août et que les catholiques appellent “l’Assomption.” La cathédrale fut édifiée en 1215, au confluent du Kotorosl et de la Volga, les deux cours d’eau qui encadrent la ville. L’histoire de l’édifice est étroitement liée à la relation qu’entretient l’église orthodoxe avec l’histoire russe. Ainsi avec la chute du Tsar, la révolution soviétique déploya, par la force, l’Athéisme dans le pays ; persécutant ses croyants et saccageant plusieurs des édifices religieux. La Cathédrale de la Dormition ne fut pas épargnée, allant même jusqu’à être détruite totalement en 1937.

Après la chute de l‘URSS en 1991, l’église orthodoxe entama sa renaissance. Mais ce n’est qu’en 2004 qu’une église nouvelle fut reconstruite, plus imposante et majestueuse dirons les plus anciens de la ville. Et il est vrai que lorsque nous la découvrons entre les arbres, isolée à l’extrémité du parc Strelka, nous ne pouvons rester insensible à sa majesté. Au milieu de la place, les murs blancs de l’édifice coiffés d’imposantes coupoles dorées, nous invite à venir la rencontrer de plus près.

Nous grimpons donc les marches de son parvis avant de nous engouffrer dans ses entrailles. Par respect pour les traditions, nous ôtons nos casquettes, et les filles couvrent leurs cheveux d’un foulard.

La cathédrale est étonnamment très lumineuse. De nombreuses icônes religieuses ornent les murs. Peintes sur bois, leurs dorures illuminent les parois blanches de l’édifice.

En son centre, comme dans toute église russe, la nef où nous circulons est séparée du sanctuaire dont l’accès est interdit aux croyants par une iconostase. Cette cloison, à plusieurs étages faits d’icônes superposées et possédant en son centre les deux portes saintes, est un symbole important des églises orthodoxes.

Alors que nous étudions la finesse des icônes dans la nef principale, nous sommes surpris de voir surgir de l’extrémité gauche de l’iconostase, l’évêque suivi des autres membres du clergé.

Réunis au coeur de la cathédrale, un espace étrangement dénué de tout banc ou chaise, nous assistons, debout avec les nombreux croyants présents, au début de la messe.

Comme le catholicisme et le protestantisme, la religion orthodoxe s’appuie sur le livre sacré de la Bible. En revanche l’office, appelé ici Divine Liturgie, est très différente. Tout d’abord pendant toute la cérémonie, une atmosphère mystique est particulièrement saisissante. Elle résulte de la solennité du prêtre et du jeu de lumières orchestré par les cierges, les icônes et la fumée qui s’échappent de l’encens. De plus, tous les textes sont chantés, non seulement les hymnes mais aussi les prières et les lectures de la bible ; les chants sont donc omniprésents, ce qui rend ce moment à la fois impressionnant et dynamique. Pendant cette cérémonie et après quelques recherches sur internet, nous avons assisté à la bénédiction d’ouverture, à la proclamation de l’épiclèse lors de laquelle les portes du sanctuaire sont ouvertes, puis à la communion. À ce moment précis nous avons d’ailleurs été surpris de voir tous les fidèles se resserrer au coeur de l’édifice. Gênés, nous avons préféré nous mettre en retrait à l’entrée de la cathédrale assistant à la procession de l’évêque autour des croyants, transportant le calice et la patène suivi des prêtres et diacres dont l’un d’eux enfumait l’édifice agitant son encensoir et ainsi bénissait l’assemblée.

Une fois la procession terminée nous avons essayé, le plus discrètement possible, de nous retirer pour regagner l’extérieur. Malheureusement les imposantes portes d’entrée de l’édifice ne nous ont pas facilité la tâche et c’est avec quelques regards portés sur nous que nous regagnons le monde « du commun des mortels ».

Session skateboard sur les lignes droite de la taïga

Le road trip a débuté sans elles. L’Amérique du Sud a été sillonnée sans ces planches à roulettes. Et pourtant rapidement, la sensation de manque est apparu. “Mordre le bitume” était le maître mot de ce voyage ; prendre sa board sur sa bécane et s’offrir lors de session “ride” le plaisir de toucher du doigt l’asphalte, n’était que la continuité logique de ce principe.

Une douce odeur d’aventure au bon parfum de bitume, un tableau qui sent bon l’esprit rebelle d’un road-movie américain, mais qui cette fois-ci aura la Russie pour terrain de jeu.

Le premier spot se situe plus précisément à quelques kilomètres de Leninskoye, petite bourgade perdue au milieu de la taïga. Après une fin d’après-midi ponctuée par une nouvelle session mécanique, il nous fallait nous changer les idées. Et pour cela rien de tel que l’improvisation d’une session “glisse” au coucher du soleil.  C’est entre le motel et la station essence Lukoil, que Julien et moi partons à la conquête de la descente la plus proche, planche à roulette sous le pied. Aléa du voyage oblige, ce n’est pas chaussés de vans mais avec la paire de baskets achetée au Chili que j’effectue les premières poussées. S’ensuit une petite prise de vitesse sur les premiers mètres, avant de se lancer dans les premières courbes et premiers virages. N’ayant pas mis les pieds dans un salon de coiffure depuis notre départ, c’est cheveux au vent accroupi sur la planche que j’effleure le bitume pour lui déclarer tout mon amour. Les sensations sont de retour, une parenthèse enchantée ! La pente s’inversant, il faut alors rebrousser chemin. Face à nous, les feux des routards nous éclairent ; avant que les deux points rouges ne s’échappent derrière le virage venu. Une fois de retour à hauteur de la station essence, il est temps de s’élancer de nouveau, puis de réitérer cette expérience jusqu’à être rassasié d’adrénaline à la nuit tombée.

Peu avant Iekaterinbourg une pause au milieu de la taïga est une nouvelle opportunité pour sortir la planche. Nous profitons de cette douce pente qui sévit sur cette ligne droite au milieu des sapins. Nous avons définitivement fait de ce paysage surréaliste de la taïga notre terrain de jeu, et ce quelque soit notre moyen de locomotion. Son asphalte n’y est pourtant pas de toute meilleur qualité, mais Paul Verlaine ne disait-il pas “ Bitume défoncé, voilà ma route – avec le paradis au bout.”

Sur les routes russes

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Seul le fleuve Narva sépare la ville estonienne du même nom du plus vaste pays du monde, la Russie. Dès notre arrivée dans la ville, en début de soirée, nous prenons nos quartiers dans l’appartement loué sur internet et réservons via le site www.goswift.eu, un créneau pour passer la frontière le lendemain. Cette démarche administrative nous rassure. Elle semble présager une organisation pointilleuse et  peut-être même un passage de frontière rapide, au vu du nombre d’horaires proposés.

À 9h, l’heure de notre rendez-vous, nous nous présentons au poste frontière situé au pied de l’imposant château-fort du centre-ville de Narva. Mais, ce qui nous rendait confiant la veille, s’avère finalement être plus compliqué que prévu. Nous y apprenons en effet qu’à 9h nous n’étions pas attendu au poste frontière, mais au secrétariat d’une « zone d’attente » à l’extérieur de la ville. Une fois l’immense parking de cette zone atteint, nous entreprenons les premières formalités administratives, puis prenons place à l’extrémité d’une des colonnes formées par d’autres véhicules. Nous attendons une demie-heure que nos plaques d’immatriculation s’affichent sur un immense écran numérique, qui fait face à la petite dizaine de voitures qui nous précèdent.

Une fois le ticket “sésame” en poche, nous retournons au poste frontière du centre-ville  nous positionner dans la file d’attente aux abords du château. De nouveau, il nous faut patienter une petite heure ; un laps de temps qui nous offre la perspective de monter sur ses remparts pour y apprécier la vue sur la rivière Narva et la forteresse russe d’Ivangorod qui lui fait face.

Notre place dans la file progresse doucement, jusqu’à ce que le feu tricolore devant nous passe au vert. Nous présentons alors au douanier estonien les passeports et la carte grise des véhicules, qui y jette un rapide coup d’oeil avant d’ouvrir la barrière qui symbolise notre sortie de l’Union Européenne.

Nous avançons au ralenti sur le pont qui sépare les deux pays pour prendre place dans une nouvelle file d’attente. À l’autre bout de l’édifice, nous apercevons le dernier point de contrôle ; celui de la douane russe. Il reste sept véhicules devant nous quand il nous est remis un premier document à compléter. À notre plus grande surprise, il est rédigé entièrement en russe ; et ce premier contact avec son alphabet incompréhensible ne nous permet pas d’en déchiffrer le moindre mot. Après avoir demandé de l’aide à une automobiliste pour traduire les renseignements demandés, un jeune agent de contrôle nous propose une copie de ce document en anglais. La chance est avec nous ! Son très bon anglais nous est alors d’une grande aide et facilite la réalisation des formalités douanières. Elles demanderont certes un zeste de patience mais se passeront sans encombre. Le contrôle des véhicules se résumera à l’ouverture des valises, sans aucune fouille ; et à notre grand étonnement aucune question ne nous sera posées sur notre itinéraire.

La frontière derrière nous, nous nous mettons en quête d’un assureur dans la petite ville frontalière russe d’Ivangorod. Malheureusement, dans l’ensemble des petites boutiques des compagnies d’assurances nous entendons la même réponse… “Niet” ! C’est donc sans assurance que nous prenons la direction de Saint Pétersbourg, notre prochaine ville-étape.

Nos premiers kilomètres russes sont identiques à ceux de la veille en Estonie ; à la différence près qu’il nous est alors impossible de lire les directions sur les panneaux, le passage à l’alphabet cyrillique rendant leur déchiffrage impossible. Les alignements de bouleaux se succèdent sur le bords de la route, ponctués par les traversées de nombreux villages où des maisonnettes en bois jouxtent des barres d’immeubles démesurées.

Nous partageons pour la première fois l’asphalte avec les symboles russes que sont les LADA, “voitures du peuple” par excellence, et les camionnettes UAZ. À mesure que nous avalons les kilomètres à leur côté, nous remontons le temps pour nous retrouver propulsés sous l’ère soviétique. À cette période, bien que réputées pour tomber régulièrement en panne, les petites Lada 2101 surnommées les “Jigouli” bourdonnaient à chaque coin de rue ; pendant que leurs grandes soeurs, les Lada Niva 4×4, sillonnaient les chemins embourbés de la taïga. Leurs cousines, les camionnettes UAZ, qui du fait de leur carrosserie rectangulaire et allongée étaient surnommées “Bukhanka” (“miche de pain”) ; semblent elles à la fois hors du temps et inusables. Leur réputation de véhicules invincibles s’est forgée à force d’expéditions dans les plus rudes conditions des lieux les plus reculés de Russie ; gagnant en retour le respect de la nation entière. C’est donc en compagnie de ces trois figures emblématiques russes que nous progressons vers Saint-Petersbourg.

Une trentaine de kilomètres avant notre arrivée, un panneau nous indique notre entrée dans l’agglomération. La route s’élargie pour atteindre six voies. Le début d’une anarchie sans nom lors de laquelle nous nous faisons doubler dans tous les sens et souvent de manière serrée, pour ne pas dire en “queue de poisson”. Une fois le centre-ville atteint, le trafic se fait encore plus dense, nous atteignons avec difficultés la boutique de moto où nous devions récupérer nos pneus. Nous patientons entre les tramways et les voitures, observant l’architecture imposante de la ville caractérisée par ses larges avenues, ses palais majestueux et ses ponts enjambants le fleuve Neva.

Nous passons deux jours à Saint-Petersbourg, entre visites et bureaux d’assureurs. Malheureusement pour cette mission administrative, en ce pont du 1er mai, nous ne ferons face qu’à des portes closes. C’est donc sans assurance que nous faisons notre retour sur la route et quittons la deuxième ville du pays pour nous aventurer vers l’est.

Nous pénétrons progressivement dans la taïga russe. Fidèle à l’imaginaire que l’on peut s’en faire avec ses forêts à perte de vue entrecoupées fréquemment de ruisseaux, de rivières ou de fleuves. Les lignes droites tirées au cordeau tracent de longues cicatrices entre les bouleaux dressés en lignes ordonnées. Le bois est ici une véritable industrie. Sur le bord de la route, les empilements de troncs d’arbres ont remplacé les bornes kilométriques.  Une odeur enivrante de sapin s’en échappe. Cette expression, n’est cette fois-ci pas mentionnée pour exprimer les difficultés que nous rencontrons ; mais bien pour laisser libre court à votre imagination pour sentir cette douce essence de sève venir vous chatouiller les narines.

Au fur et à mesure que les chiffres du compteur défilent sur le cadran, une certaine monotonie s’installe, si propre à cette terre sauvage qui semble s’étirer vers l’infini.

Notre vie sur le route est alors ponctuée d’arrêts lors desquels les gens se rapprochent systématiquement, curieux de voir deux Ural sur les routes de Russie. Beaucoup nous disent que nous sommes fous. Pour eux, ces engins excellent dans les champs pour ramasser “les patates” mais en aucun cas pour faire des milliers de kilomètres.

Ce quotidien, nous le partageons avec la communauté des “routards” ; non pas celle de ces voyageurs, guide à la main, qui parcourent le monde en quête de la bonne adresse, mais bien celle qui regroupe toute ces personnes qui vivent “de et pour” l’asphalte. Les routiers tout d’abord, mais aussi les commerciaux, les ambulanciers et les policiers ; les pompistes, les aubergistes et les employés des cafés ; tous reliés par ces longues lignes droites qui transpercent la taïga. Ensemble, nous nous retrouvons chaque midi, pour partager le menu du jour dans les “cafés”, équivalents de nos restaurants “routiers.” Les suggestions du chef y sont écrites à la main sur les vitres du self ou sur une grande ardoise derrière le comptoir, le tout en russe… malheureusement incompréhensibles pour nous. À chaque porte poussée dans l’une de ces institutions, nous devenons les acteurs principaux d’un vieux western spaghetti. Les regards braqués sur nous, dans un silence de mort, il nous faut alors nous diriger vers le comptoir tel des cow-boys dans un saloon. La tension est alors palpable, mais dès les trois seuls mots de notre vocabulaire russe prononcés, elle laisse la place immédiatement aux rires et sourires. Viens alors le moment de faire nos choix, la barrière de la langue créée des situations incongrues. Face aux plats proposés, nous pointons du doigt ce que nous désirons sans pour autant savoir ce que l’on mangera. Seule certitude, arrivés en bout de self, la personne qui tient la caisse ne nous a jamais réclamé plus de 2€ alors que sur le plateau trônait souvent une salade en guise d’entrée, une soupe ou une assiette purée-paupiette, et un petit gâteau pour le dessert.

Une fois la peau du ventre bien tendue, la journée se poursuit pour chacun des routards, au gré de la puissance de son moteur et de sa résistance à la fatigue. Aux dernières heures de l’après-midi, il est alors temps pour nous de nous arrêter dans le premier “motel-garage” venu. Dans chacun d’eux, il y règne une atmosphère de road-trip américain avec un zeste d’ère soviétique. Pas de cadillac de garée au pied de l’enseigne lumineuse ; mais les ballots de paille pris par le vent traversent, ici aussi, les parkings en terre battue. Une nouvelle fois, il nous faut jouer “technique” pour nous faire comprendre des aubergistes afin d’obtenir 4 couchages au moindre coût. Toutes les stratégies sont alors bonnes pour faire diminuer la note : du couchage à deux dans un lit simple, ou dans les meilleurs des cas, la petite chambre isolée à l’autre bout du parking. Après avoir déchargé nos paquetages, sous les yeux ébahis des chauffeurs de poids lourds, les premières interrogations laissent vite la place à la chaleur des échanges. Nous partageons avec nos compagnons routards, conseils et anecdotes, avec l’aide de nos smartphones et de l’application “Google Traduction.”

Outre le piège de la monotonie et de la fatigue qui s’accumulent au fil des kilomètres, il nous faut également être vigilants à l’un des fléaux qui ravage le pays : l’alcool. Sur les routes, à plusieurs reprises nous avons fait la triste expérience de côtoyer des véhicules gardant difficilement le cap alors qu’aucun obstacle ne venait se mettre en travers des lignes droites de la taïga.

Il est 16h quand après une dernière pause, nous reprenons la route pour le dernier relais de la journée. Quelques minutes plus tard, une Kia double Julien et Marie en leur faisant une queue de poisson avant de réitérer ce comportement en se rabattant devant nous. Au même moment, les deux camions nous précédent se doublent et occupent les deux seules voies de cet axe routier. La Kia sans doute pressée, ne peut attendre et essaie de se faufiler entre les deux poids lourds. Une démarche hasardeuse qui l’envoie dans le décor après deux tonneaux. L’un des deux camions s’arrête sur la bande d’arrêt d’urgence. Nous nous stationnons derrière lui et coupons nos moteurs. Nous échangeons deux mots en anglais avec le chauffeur routier : “ok”, “police.” Il traverse alors la route pour porter assistance aux passagers de la Kia. La voiture a fini sa course folle sur ses quatre roues. Le chauffard, avant même que le routier est eu le temps d’atteindre le véhicule, remet le contact et ressort la voiture du bas côté ; avant de s’arrêter quelques mètres plus loin sur la bande d’arrêt d’urgence. Le conducteur et son passager sortent alors de la petite berline et constatent, que le pneu avant droit a crevé. Ils rejoignent le chauffeur routier en titubant pour échanger quelques mots, pendant que nous assistons, ébahis, à cette scène de l’autre côté de la route.

Les deux occupants étant immobilisés par ce pneu crevé, le chauffeur routier nous invite à reprendre la route, nous assurant que la police arrive et qu’il reste sur place pour témoigner des faits qui viennent de se dérouler.

En fin d’après-midi, nous atteignons la ville de Tcherepovets. À la nuit tombée, alors que nous regagnons notre logement après le dîner, notre attention se porte sur la danse des gyrophares d’une voiture de police. À son bord, à la place du copilote, un homme dans une couverture de survie. Et derrière la voiture blanche des fonctionnaires, nous reconnaissons la Kia endommagée. Son conducteur, sous l’emprise de l’alcool a tout de même parcouru les 90 kilomètres qui sépare la ville du lieu de l’accident avec le toit de la voiture écrasée ; avant de se faire arrêter par les forces de l’ordre. Cette scène digne d’un mauvais film d’action, nous incita à modifier nos horaires de conduite, afin d’éviter de rouler après 16h.

Notre aventure à travers la Russie, se poursuit sans encombre jusqu’à ce que la taïga, laisse progressivement la place aux premiers monts de l’Oural. Entre Tchelibinsk et Oufa, les pentes s’élèvent, les side-cars toussotent au milieu des poids lourds. Dès les premiers lacets, l’air se rafraîchit et les flocons commencent à tomber. À hauteur de la petite ville de Zlatoust, nous atteignons le sommet d’un col à 800 mètres d’altitude, sous une véritable tempête de neige. Nous nous abritons au café du sommet pour nous réchauffer avec une bonne soupe “Solyanka.” Notre voisin de table, lui, préfère se concentrer sur sa mignonnette de vodka.

En Amérique du Sud, à chaque coup de fraicheur, nous faisions allusions aux températures que nous allions connaître en Russie. Ainsi sur les sommets andins, nous ne voulions pas nous équiper de l’ensemble de nos tenues hivernales, pour se rassurer en se disant que, lorsque nous devrions affronter le froid sibérien, nous aurions toujours une petite couche en plus. Et pourtant, par 4000 mètres d’altitude au beau milieu de la Cordillère des Andes, inutile de vous dire que l’on a connu des situations météorologiques peu enviables. On s’en était fait peut-être toute une montagne de ce climat russe. Il faut dire que les prévisions météo au mois de mai n’étaient pas des plus positives sur le papier, avec des estimations alternant entre -5°C et 5°C. Alors quand, après avoir été épargnés sur les premières centaines de kilomètres, nous avons dû faire face à nos premières conditions difficiles, nous en étions presque tout excités. La fraîcheur des températures nous oblige à nous emmitoufler sous de nombreuses couches de vêtements, adoptant la célèbre technique de l’oignon. Sous-couche, tee-shirt, sweat, doudoune, tenue de pluie et gants d’hiver, nous voici prêts à arpenter les longues lignes droites russes.

Mais les averses successives de pluie, de neige et de grêle, paraissent rapidement interminables. L’excitation des premiers kilomètres laisse rapidement la place au désespoir. Les doigts sont pincés et nos jambes semblent avoir disparu. Chaque petite éclaircie est une lueur d’espoir au bout d’un sombre tunnel et chaque station essence devient un petit coin de paradis. On y rentre tout humide avant de prendre place sur la table la plus proche du radiateur pour s’y blottir. Les fourmis viennent chatouiller nos doigts au contact de la chaleur du café.

Nous nous étions préparés à affronter cette difficulté, ne voulant pas subir les mêmes déboires que les troupes napoléoniennes. Pour cela nous avions choisi le mois de mai, pour éviter la traversée de ces montagnes de l’Oural sous des températures sibériennes. ; mais ces conditions météorologiques furent toute de même les plus difficiles que nous ayons connues depuis le début de cette aventure…

Outre la température, notre seconde difficulté sur les routes russes, fut d’avaler des centaines de kilomètres sur un asphalte en piteux état. Une conséquence directe des grandes variations de température dans le pays. Les motos et leurs passagers sont secouées dans tous les sens. Le revêtement et ses “nids de poule,” quand ce n’est pas des “nids de vache,” endommagent quelques peu les side-cars, nous obligeant à de joyeuses réparations.

Pour le premier arrêt mécanique, c’est la fixation de selle qui commença à donner des signes de fatigue, une large fissure y est apparue, mais réparée le soir même par Julien avec le poste à souder du motel.

La seconde mésaventure intervient à la suite du premier relais, le jour où nous prenions la direction de Perm. Après environ 100 kilomètres, nous nous arrêtons dans une station Lukoil pour remplir nos réservoirs d’essence. Julien par intuition, après cette nouvelle portion de route esquintée, vérifie le châssis de nos sides et constate sur chacun des deux engins, une nouvelle fissure sous la suspension du panier. Face à ce coup dur, et le temps d’analyser la situation, nous prenons un café à la station. Comme à notre habitude, nous éprouvons quelques difficultés pour commander, mais les serveuses sont comme toujours très gentilles et compréhensives. Nous y retournons une seconde fois pour leur demander un conseil d’hôtel, puis une dernière fois pour savoir si elles ne connaissent pas un soudeur. Elles nous demandent de patienter 10 minutes, sans nous expliquer pourquoi.

A l’heure indiquée, débarquent à bord d’une vieille camionnette, deux soudeurs. Ils inspectent les side-cars et nous demandent de les suivre. Ils nous conduisent à deux kilomètres de là dans un motel où nous pouvons faire la mécanique dans d’excellentes conditions, sur une dalle en béton au milieu du parking des routiers. Pour rester dans le thème, nous utilisons des briques en guise de crics, ce qui nous permet de travailler simultanément sur les deux side-cars, avec qui plus est, un gain accrue de stabilité.

Une fois le bras oscillant extrait de chacun des sides, Emilie et Julien se rendent à l’atelier d’Alexander, le soudeur, qui les poncent, les coupent, les soudent et les renforcent. Au moment de le payer pour ce service, il fait la grimace avant de sourire en annonçant fièrement le mot anglais : « present ». Après l’avoir remercié chaleureusement, nous regagnons le parking. Il nous faudra plus de deux heures pour remonter le tout ; interrompues par laine pause bière avec Alexander qui débarque sur le parking avec une magnifique “Jigouli” dont il a refait parfaitement la carrosserie. Michael, l’agent de sécurité du parking se joindra également à nous avant de veiller sur nos bolides pendant la nuit.

Alors que nous nous rapprochions à grand pas de la frontière Kazakh, une dernière mésaventure est venue ponctuer notre périple sur les routes russes. Nous en parlions la veille et cela ne nous a pas porté chance. 40 kilomètres après notre départ de la petite ville de Iouriouzan, Marie et Julien ne sont plus dans nos rétroviseurs. Dès la première occasion nous nous arrêtons sur le bas-côté avant de nous lancer dans une opération périlleuse, d’effectuer un demi-tour malgré l’important trafic de poids-lourds.

Quelques centaines de mètres plus haut, nous les apercevons arrêtés sur la bande d’arrêt d’urgence. Nous faisons à nouveau demi-tour pour venir nous stationner à leur hauteur. Il s’agit bien de la première crevaison du voyage, après 32 832 kilomètres parcourus. Et alors qu’à l’heure du départ, la neige tombait sur les montagnes de l’Oural ; la réparation se fera par chance sous un rayon de soleil. Ni une, ni deux le cric est de nouveau de sorti et le pneu est changé. Une affaire menée en 40 petites minutes. Nous quittons la bande d’arrêt d’urgence pour nous réinsérer dans le trafic routier. Nous partageons alors avec les routards russes, les derniers kilomètres qui nous sépare du Kazakhstan, terre de la suite de nos aventures en Ural…

Iekaterinbourg & les montagnes de l’Oural – 11 jours – 237 mètres d’altitude

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Après 350 kilomètres, sur l’important axe routier qui sépare Perm de Iekaterinbourg, nous franchissons la ligne symbolique qui sépare l’Europe de l’Asie, une démarcation qui marque également notre entrée en Sibérie.

Avec surprise nous constatons ne plus être en adéquation avec les horaires indiqués de-ci de-là. Après vérification, il nous faut ajuster  nos montres. Nous apprenons en effet que bien qu’elles soient limitrophes, il existe un décalage horaire de deux heures entre les « oblasts » (équivalent de nos régions), de Perm et Iekaterinbourg. Quelques kilomètres après avoir fait notre entrée en Asie, nous atteignons la capitale de l’Oural qui est aussi la 4ème ville la plus peuplée du pays. Malgré sa taille importante, nous n’avons aucune difficulté pour rejoindre son centre-ville.

Le soir de notre arrivée nous sommes invités à dîner par Marina, au « Double Grill and Bar ». Autour d’un copieux burger nous discutons de nos différents quotidiens et du cadre de vie russe. Une fois notre périple décrit sous toutes ses coutures, elle se propose de relayer notre voyage dans la presse. Un article paraît alors le soir même et déclenche à notre étonnement une pluie de « likes » sur notre compte Instagram. Après un dernier verre de vin, nous regagnons notre logement en empruntant les quais animés des rives de l’Isset. Sur les quelques marches qui remontent vers l’Avenue Lénine, nous assistons à l’incroyable show d’un guitariste et d’un batteur qui mettent le feu à la foule de passants réunis autour d’eux.

C’est après une belle grasse matinée, et alertes, que nous rejoignons au pied de notre immeuble Lubov, qui nous guidera à pied à la découverte des secrets de la ville.

Iekaterinbourg, de par sa position géographique stratégique est devenu au fil des siècles un pôle commercial important. Véritable carrefour des lignes ferroviaires entre l’Est et l’Ouest, elle a connu un essor économique sans précédent avec l’exploitation des grandes mines de l’Oural.

La ville aujourd’hui est teintée par cette histoire, mais aussi tournée vers l’avenir ; en témoigne son important centre de recherche scientifique et ces projets architecturaux innovants. Une chose est certaine, notre pérégrination dans ses rues est très agréable. De nombreuses zones piétonnes ont été identifiées, la trottinette est, ici aussi, le moyen de locomotion privilégié de la jeune génération, et sur de nombreuses places, le mobilier urbain sert de terrain de jeu aux skateurs. Cette déambulation nous conduit successivement sur la place de l’opéra, puis dans l’ancien quartier du KGB ; Lubov nous y raconte le quotidien de ces familles isolées, qui n’espéraient qu’une chose, pouvoir revoir leur conjoint(e) chaque soir. Nous poursuivons notre découverte de la ville par la visite de  l’Eglise de tous les Saints. Construite en 2000, en hommage au Tsar Nicolas 2, assassiné en lieu et place du monument en 1918. Ainsi tout au long de ce parcours de près de 4h, notre guide nous livre les histoires et secrets de la capitale de l’Oural ; le tout sous un beau soleil, et un baromètre atteignant les 20°C. Difficile d’imaginer dans cette ville décrite par certains comme un paradis de glace, où il neige en moyenne 170 jours par an et que les enfants réalisaient encore des bonhommes de neige dans les parcs 15 jours plus tôt. Mais la chaussée garnie de sel, est là pour en témoigner.

En début d’après-midi nous quittons Lubov et poursuivons seuls notre promenade. Nous en profitons pour flâner entre les étales du marché sur la place Lénine, dont la statue n’a toujours pas connu la présence d’un pigeon sur son crâne. Dans le quartier moderne, nous escaladons les marches qui mènent au musée Yetsin puis profitons de cette météo estivale dans le parc Newton. Les enfants courent dans la fontaine, avec une grande et belle innocence. Nous marchons de nouveau sur les bords de la rivière Isset. Sur le plan d’eau, des kayaks en ligne enchaînent les allers-retours pendant que pour deux dériveurs se sont les virements de bord qui se succèdent.

Le lendemain, nous prenons la direction de Irbit à 200 kilomètres de là. Plaines, cours d’eau et petits bosquets, les paysages défilent sous nos roues. Elles avalent un asphalte en parfait état, au rythme habituel de 80 km/h. Nous profitons d’un bosquet avec un empilement de troncs de bouleau pour s’adonner à un petit shooting photos. Arrivés à Irbit, rebelote, nous posons avec les side-cars devant la colonne qui symbolise l’entrée de la ville. Nous y sommes ! Irbit, lieu de naissance de nos fidèles destriers.

Nous trouvons sans trop de difficultés une “gostinitsa” dans nos prix alors qu’au premier coup d’oeil sur internet, toutes les annonces étaient trop chers. Au cours des 5 jours passés dans la ville, nous l’avons progressivement apprivoisée. Nous étions à notre arrivée un peu sceptique face à cette cité qui nous paraissait éteinte et semblait regarder dans ses rétroviseurs les vestiges de son glorieux passé. Un âge d’or pendant laquelle l’usine de production de moto était son poumon et rythmait sa vie au son des clés à molettes. La traversée des bâtiments désaffectés de l’usine au coucher du soleil est un moment fort de cette étape. Le passage sous le vieux portail qui marquait son entrée à une époque où elle était encore un fleuron économique du pays, est fort de symbolique pour notre voyage.

L’identité de Irbit nous a progressivement séduite. En préservant et en valorisant quelques vieux trésors, tels que son petit pont enjambant la rivière qui a donné son nom à la ville, il s’en dégage une atmosphère particulière qui transpire de cet ancrage aux traditions soviétiques. Une ambiance symbolisée à son paroxysme par l’apparition dans ses rues, de manière tout à fait régulière, de vieux Ura  au son souvent cliquetant, et dont le panier est très fréquemment remplacé par une « caisse ». Après tout, au dire de nos amis russes, « ils sont d’avantages utilisés, ici, pour ramasser les patates dans les champs que pour faire un long voyage. »

C’est pourtant bien à dos d’Ural que nous quittons Irbit, reprenant la direction de Iekaterinbourg, puis celle du Kazakhstan. Après une première étape dans un grand hôtel tout vide et désert, dans la petite ville de Aramil ; il pleut à torrent au réveil. La déception suite à notre dîner de la veille, nous invite à  faire l’impasse sur le petit-déjeuner ; et c’est le ventre vide que nous prenons le guidon de nos engins. Mais le premier café repéré sur le GPS, à quelques kilomètres de là, est fermé ; et il nous faut faire 20 kilomètres sous cette même pluie battante pour se rendre à la station service visée. A notre entrée dans la boutique, nouvelle déception, pas de table pour s’asseoir et se réchauffer, du coup nous prenons la décision de tenter le café, 5 kilomètres plus loin. A notre arrivée, vers 8h30, il se trouve que lui aussi est fermé, mais un panneau nous indique son ouverture à 9h. Nous profitons de cette attente pour régler, sous la pluie, le déclenchement du frein arrière afin qu’il soit plus rapide que celui du side-car ; et une petite demi-heure plus tard nous savourons crêpes et thé en guise de petit-déjeuner.

La suite de la route se fera sous la pluie et dans le froid. Alors qu’initialement nous devions emprunter la contournante, nous traversons la ville de Tcheliabinsk, à la suite d’une erreur de co-pilotage de ma part. Les sides ronronnent au milieu d’un trafic, qu’ils apprécient moyennement. C’est avec plaisir que nous accueillons l’éclaircie qui pointe le bout de son nez sur la fin du trajet jusque Kichigino. Nous trouvons deux chambres dans une petite « gostinitsa », où l’on s’étale pour faire sécher nos affaires. Pas de chauffage ni d’eau chaude, mais ça fera l’affaire, pour se réchauffer, rien de tel qu’une bonne soupe salienka et ses 7 viandes différentes pour les uns, et soupe géorgienne au bœuf appelée « karcho » pour les autres.

Après de nouvelles crêpes au petit-déjeuner, nous reprenons la route et alors qu’initialement, nous devions prendre la direction de Orsk, puis de Aktioube au Kazakhstan, la carte routière russe en notre possession nous fait changer d’avis de peur de rencontrer des routes peu praticables. Nous faisons donc le choix, ce matin, de revenir sur nos pas jusqu’à Tchelianbinsk puis de nous diriger vers l’ouest, et la ville de Oufa. Au début de notre journée, la route est entourée de grandes étendues agricoles. Avant qu’elle ne s’élève avec le retour des premiers monts de l’Oural, que nous franchissons cette fois d’est en ouest, sous un léger manteau neigeux.

Nous passons la nuit dans une petite ville au milieu des montagnes, nommée Yuryuzan, où nous logeons dans le petit hôtel d’une charmante mamie. Au dîner la cuisine du soleil nous met l’eau à la bouche et nous craquons pour un menu méditerranéen, fait d’une pizza Margarita d’une salade grecque.

Petit-déjeuner dans la chambre en regardant la neige tombée par la fenêtre, il n’est alors  pas facile de retrouver la motivation pour affronter ce froid de canard. Mais dès notre retour sur la plaine, le soleil pointe le bout de son nez et c’est sans difficultés que nous empruntons le contournement de Oufa avant de mettre le cap vers le sud. Nous nous arrêtons à Sterlitamak, dans une « gostinitsa » au standing plus élevé que d’habitude ; au point de devoir chausser les chaussons prêter par l’hôtel pour rentrer dans les chambres.

Le périple se poursuit en direction de Orenbourg. Sur la route, des champs s’étendent à perte de vue. Malheureusement cette agriculture intensive ne dégage pas toujours que la douce odeurs des épis de blé balayés par le vent. Nous arrivons à Orenbourg en milieu d’après-midi, sous d’importantes rafales de vent. Nous récupérons notre appartement, situé au 14ème étage d’une tour à la russe, à proximité du centre-ville. La visite de la ville se fera le lendemain, en compagnie de Ivan rencontré la veille alors que nous étions en quête de bidons d’huile moteur.

Après une journée à arpenter Orenbourg, nous prenons la direction de Ilek, dernière petite ville russe à 5 kilomètres de la frontière kazakh. Ne sachant pas combien de temps nous passerons à la frontière, et doutant de pouvoir rejoindre Ouralsk dans la foulée (seul grosse ville, à plus de 150kms de la frontière, où nous serions susceptibles de trouver un hôtel), nous décidons de passer l’après-midi et la nuit à Ilek. L’après-midi débute par un pique-nique dans un petit parc du centre-ville avant de se dégourdir les jambes avec une petite session footing dans la forêt et jusqu’à la rivière Oural. Lorsque nous nous mettons en quête d’un lieu où diner, nous nous apercevons au combien le vélo est un moyen de locomotion important dans cette petite ville. Par contre impossible de trouver un café d’ouvert pour le souper. Nous parcourons la ville de long en large avant de tomber sur un “restaurant à sushis”. Dima et Nastya, les propriétaires sympathisent avec nous et nous offrent notre repas, avant de nous raccompagner à l’hôtel.

Départ de bon matin pour se présenter à la frontière kazakh. Nous effectuons une dernière pause dans une station-essence Lukoil pour dépenser nos derniers Roubles et acheter quelques gâteaux, dans quelques kilomètres le Kazakhstan nous ouvrira ses portes.


NOS COUPS DE COEUR
Où manger ?

Double Grill and Bar
Iekaterinbourg

Cette adresse, comme son nom le suggère n’est pas un petit boubou local mais un vrai bon restaurant branché, qui reflète le renouveau de la ville. A vrai dire notre tenue de baroudeur contrastait avec nos voisins de table. Cela reste une super adresse pour déguster un bon burger ou une de leurs spécialités de grillades.

Quelle visite ? 

Lubasusl – City tour de Iekaterinbourg
https://yekaterinburg4u.ru/en/

N’hésitez pas à contacter Lubov, la guide ce cette agence pour suivre ses pas et partir à la découverte de la capitale de l’Oural et de ses secrets.

Tcherepovets et la traversée de la taïga russe – 8 jours – 130 mètres d’altitude

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Départ de notre petite auberge entre deux averses ; le GPS indique 390 kilomètres en perspective. La météo est fraîche. Il nous faut nous emmitoufler sous de nombreuses couches de vêtements, s’équiper de la tenue de pluie et enfiler les gants d’hiver.

Dès les premiers kilomètres et sur la moitié du parcours, on alterne entre les averses de pluie, de neige et de grêle ; le tout entrecoupé de petites éclaircies, qui à chacune d’elle, nous donne une petite lueur d’espoir. Les pauses cafés dans les stations-services sont salvatrices. Nous y entrons tout humide pour nous y réchauffer, une grande tasse de café entre les mains, après 100 kilomètres difficiles.

Notre entrée dans Tcherepovets se fait en traversant sa zone industrielle. Nous nous frayons un chemin au milieu de ces grosses cheminées d’acier qui viennent transpercer le ciel. La sidérurgie est la principale activité économique de la ville. Une fois l’imposante usine Severestal derrière nous, nous pénétrons dans la cité par l’une de ses principales artères. Son architecture est constituée de nombreuses barres d’immeubles vieillissantes. Nous logeons d’ailleurs dans l’une d’elles. Le quartier est austère. Dans le parc entre les barres, les jeux pour enfants semblent d’un autre temps.  Mais alors que le décor nous met mal à l’aise, une fois garés nous sommes accueillis chaleureusement par le voisinage.

La nuit tombe sur la ville, la fraîcheur se fait ressentir pendant que nous la parcourons à pied pour trouver un petit quelque chose à se mettre sous la dent. Là encore, notre déambulation dans les rues de cette cité industrielle, ne nous réconcilie que très peu avec son architecture. L’atmosphère soviétique qui en résulte aurait d’ailleurs pu inspirer Zola pour en faire le terrain de jeu de son Germinal des temps modernes. Autour de la place du marché, nous observons tout de même quelques vieilles maisons du 19e siècle encore debout, mais c’est bien l’immense statue mettant à l’honneur les ouvriers de la métallurgie qui nous marquera lors de notre visite de la ville.

Le lendemain, nous quittons la ville par le sud, en enjambant la rivière Cheksna. Elle se jette à quelques kilomètres de là dans le célèbre fleuve de la Volga, le plus long d’Europe. Nous poursuivons d’ailleurs notre itinéraire sur une route secondaire qui longe son lit. Sa largeur est telle, qu’à cet endroit il nous est impossible d’apercevoir l’autre rive.

Notre petite route traverse de jolies petits villages en bois dont l’activité est tournée vers le fleuve. Le paysage laisse ensuite la place à de vastes forêts, traversées par de petits cours d’eau, affluents de la Volga.

A notre arrivée à Iaroslavl, deux policiers nous aident à joindre le propriétaire de notre appartement par téléphone, il nous indique que ses clés sont cachées sur le rebord de la fenêtre. Une fois l’appartement ouvert, les policiers se joignent à deux papys et insistent en cœur pour que nous garions nos side-cars dans un parking sécurisé à une centaine de mètres de là, plutôt que sur la petite esplanade devant l’appartement. À la guitoune du parking, nous sommes accueillis par le grand sourire d’un nouveau papy qui nous ouvre sa barrière avec beaucoup de plaisir. Par des gestes simples il nous fait comprendre que c’est une fierté pour lui de veiller sur deux side-cars Ural. Les bolides en sécurité,  nous entamons à pied, la découverte du centre historique de la ville, classé au patrimoine mondiale de l’UNSECO.

Iaroslavl est l’archétype des capitales régionales. Inconnue à l’étranger (sauf peut-être des habitants de Poitiers, ville avec laquelle Iaroslavl est jumelée) et ce bien qu’elle soit l’une des plus anciennes villes de Russie. La cité semble à la croisée entre modernité et tradition. On y croise ainsi de nombreuses voitures Lada postées devant de vieilles églises orthodoxes coiffées de leur coupoles à bulbes ; tandis que de l’autre côté de la rue, fleurissent des enseignes occidentales. La ville connaît également un vaste programme de rénovation urbaine symbolisée notamment par l’aménagement de sa promenade sur les rives de la Volga, qui mène jusqu’au parc « Strelka ». Cet espace vert, situé au confluent de la Volga et de la rivière Kotorosli, est orné d’un parterre de fleurs représentant un ours, symbole de la ville, qui commémore le 1000ème anniversaire de la ville. La promenade permet également d’apprécier la beauté du cœur de la cité en toute tranquillité ; on y découvre notamment l’imposante cathédrale de la Dormiton,  la magnifique église du Prophète Elie, et la vieille porte de la tour Znamenskaya.

Après cette étape sur les rives de la Volga, la traversée de la taïga russe se poursuit sur une route toujours en piteux état. Toutefois le soleil est, lui présent toute la journée, et les températures se réchauffent.

Au vu de l’état de l’asphalte nous écourtons notre étape et nous nous arrêtons dans un motel à hauteur du petit village de Kady. De nouveau, nous éprouvons quelques difficultés de communication pour demander 4 couchages pour la nuit et Google Traduction nous est alors d’un grand secours. La fin d’après-midi se solde par un ressoudage du support de selle pour Julien, ainsi qu’un brin de mécanique avec les graissages des cardans et les différents resserrages de la visserie.

L’effort sera récompensé par la dégustation de notre premier borsch, le potage de betterave traditionnel des pays slaves, que nous savourons dans la grande salle vide du restaurant du motel, avec en fond musical les chansons de Zaz et Joe Dassin.

Au réveil, petit déjeuner à base de crêpes au fromage avant de poursuivre notre périple au cœur de la taïga. Aujourd’hui encore cette vaste étendue forestière est fidèle à ses habitudes. Les rayons du soleil matinaux viennent se perdre dans les branches des sapins nous offrant un joli jeu de lumières aux couleurs verdoyantes. Après l’avoir suivie sur plus de 90 kilomètres, nous quittons la ligne droite de la route 33p pour trouver un lit dans la petite ville de Leninskoye. Sur la route secondaire qui permet de rejoindre ce petit bourg, il nous faut laisser passer, à hauteur du passage à niveau, un long train de marchandises. Sur la place du village un cheval et sa charrette attendent son propriétaire. Pour nous en revanche, le seul hôtel renseigné sur l’application “Maps.me” n’existe malheureusement pas. Un habitant nous propose une seconde adresse dans une maison de la ville, mais la “gostinitsa” est hors de notre budget. La propriétaire a tout de même la gentillesse de nous indiquer un motel à la sortie de la ville. Nous reprenons donc la direction de la route 33p et face à la station essence Lukoil, nous découvrons le bâtiment sans prétention du motel.

La gérante nous présente les lieux et les différentes possibilités de couchage qui s’offrent à nous. Nous retenons la formule la plus économique en dormant tous les 4 dans une petite chambre normalement prévue pour 3 personnes, isolée de l’autre côté du parking et adjacente à l’atelier de mécanique. C’est d’ailleurs une nouvelle fois par cet atelier que débutera notre soirée ; nous découvrons alors, que la qualité des routes a engendré quelques dégâts. Le roulement de notre roue avant, a usiné son moyeu. En guise de réparation de fortune, nous le remontons avec du frein de filet et espérons que cela tienne le plus longtemps possible.

Nous dînons une nouvelle fois dans la cantine du motel. Installés à table, nous avons l’agréable surprise de voir entrer dans la salle, la journaliste du “canard” local. Informée de notre présence par la gérante du motel, elle réalise un court interview dans un original “anglo-russe” qui a le mérite de se passer d’assistance technologique. En guise de dessert, nous savourons de nouvelles crêpes, véritable institution de la gastronomie locale. Nous les saupoudrons de sucre ce qui intrigue au plus haut point les personnes qui nous entourent.

Il fait beau et bon à rouler le lendemain. Nous faisons étape dans la ville de Kirov pour trouver du frein de filet et de la graisse pour nos futures révisions mécaniques. Pour trouver facilement notre bonheur nous ciblons le vaste hangar de l’enseigne Leroy Merlin Russe : Леруа Мерлен. Nous nous plions à un petit exercice selfie en clin d’oeil au magasin préféré de Bernard, le père d’Emilie, avec qui elle y a passé de nombreuses heures pendant son enfance. Malheureusement nous en ressortons sans les produits recherchés mais en possession d’une bâche neuve. Ce sera finalement dans une boutique de mécanique automobile à quelques centaines de mètres de là que nous mettons la main sur le fruit de nos recherches. Bien que l’après-midi soit déjà bien entamé, nous faisons le choix de poursuivre notre route avec l’objectif de trouver un endroit où dormir dans le village suivant. Les hôtels y sont finalement trop chers et c’est après 40 nouveaux kilomètres, à hauteur du village de Nikony, que nous trouvons un motel « routier » dans nos prix, et où l’on nous réserve un accueil adorable.

De Nikony, nous avions le projet initial de nous rendre directement à Perm, pour y assister, le jour suivant, aux festivités du 9 mai (fête nationale qui célèbre la victoire lors de la seconde guerre mondiale). Oui mais voilà, la route en a décidée autrement. Une fissure sur les bras-oscillants des deux paniers des deux side-cars, à hauteur de la fixation des suspensions, nous oblige à nous arrêter pour le reste de la journée à Omoutninsk. Une nouvelle session mécanique sur le parking d’un motel débute. Et après avoir passé l’après-midi à démonter, souder puis remonter le bras oscillant de chacun des side-cars, nous décapsulons une petite bière avec Alexander le soudeur et Michael l’agent de sécurité du parking, puis savourons un excellent goulasch au motel.

En guise de symbole de la gentillesse des personnes croisées sur notre route, nous retiendrons cette réceptionniste du motel qui, au moment de faire rugir nos moteurs, sort précipitamment de la réception pour nous offrir de l’eau et une tablette de chocolat avant de nous prendre dans ses bras. À une petite centaine de kilomètres de Perm, lors d’une nouvelle pause à la station Lukoil, nous rencontrons Stepan et sa famille. Heureux de faire la connaissance de voyageurs en Ural, la moto de la famille, nous posons tous ensemble pour la traditionnelle photo, avant qu’ils ne nous offrent à leur tour des bouteilles d’eau. Après une nouvelle journée sur la route, nous arrivons sans difficultés à Perm, et ce malgré les descriptions quelques peu effrayantes de l’état de la route fait par nos amis d’hier. Nous nous balladons dans le centre de cette ville qui est la 6ème ville de Russie. Nous nous rendons sur la place principale où un concert est donné en ce jour de fête nationale. La soirée se poursuit par le coucher du soleil sur les rives de la rivière Kama, où nous partageons une flasque de Cognac avec un retraité Russe, fier de nous parler de ses années passées en France. La nuit tombe sur la ville, demain nous parcourrons les 350 kilomètres qui nous séparent de Iekaterinbourg la prochaine étape de notre épisode russe.

Saint-Pétersbourg – 3 jours – 3 mètres d’altitude

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Il est 9h du matin quand nous nous présentons au poste de frontière estonien sur les rives de la Narva. Il nous faudra plus de quatre heures pour traverser le pont qui enjambe le fleuve et ainsi effectuer nos premiers tours de roue en Russie. En guise de trophée, nous nous offrons un premier pique-nique soviétique avec pour décor, un dernier panorama sur le château de Narva, sur l’Estonie et sur l’union Européenne.

Nous enfourchons de nouveau nos bécanes, pour rejoindre Saint Pétersbourg, à 157 kilomètres de là.

La route est droite et bordée de nombreux sapins. Alors que le GPS nous indique être à 30 kilomètres de notre point d’arrivée, un panneau de signalisation nous indique notre entrée dans la ville de Saint-Pétersbourg. La route s’élargie passant, en quelques kilomètres, de deux à six voies. Nous nous frayons un chemin au coeur de l’important trafic de la ville pour rejoindre la boutique de moto, située au centre de l’agglomération, à proximité de la “gare de Finlande”. Nous garons les sides à proximité d’un parc de jeux pour enfants et nous nous mettons en quête du magasin. Les pneus ont été précédemment commandés auprès de l’importateur Ural Russie et livrés à cette adresse. Dans la rue, à hauteur de ce qui aurait dû être notre caverne d’Ali Baba, rien ! Et c’est en levant la tête que nous apercevons notre enseigne et l’indication qui nous indique de monter au second étage de l’immeuble. Nous tombons sur un superbe espace dédié à la moto BMW, au style industriel fait de briques et de métal. Nous en ressortons avec 5 nouveaux pneus Duro sous le bras.

C’est d’un bon pied que nous entamons, au petit matin, notre visite de la célèbre cité russe. Elle a vu le jour en 1703 quand Pierre de Grand, Tsar de Russie, entame son grand projet d’urbanisme dont les influences architecturales résultent aussi bien de l’influence des ingénieurs allemands que de l’architecture italienne ; de l’inspiration des grands maîtres hollandais que de l’étroite relation avec la France et sa langue de Molière. Ainsi Saint-Pétersbourg est souvent décrite comme une véritable fenêtre sur l’Europe. Sur les trottoirs de la ville, nous nous sentons comme les lilliputiens de Gulliver. De par son architecture démesurée, ses larges avenues et ses églises orthodoxes monumentales, la ville semble inadaptée à notre taille.

Pour rejoindre le coeur historique, nous empruntons les berges de la Neva. Ce fleuve serpente, au milieu de l’imposante architecture du centre-ville, propageant cet atmosphère maritime et portuaire si emblématique. Sur ces quais, sont accostés de vieux vaisseaux, anciens fleurons de l’armada impériale.

Nous traversons ensuite le Champs de Mars, lieu précédemment réservé aux parades militaires. En son coeur se situe le monument des “Combattants de la Révolution” (1917-1919), ainsi que la “Flamme Eternelle” qui commémore les victimes de la “Grande Guerre Patriotique” contre l’envahisseur nazi. La date du 9 mai approchant, jour de commémoration de la victoire (célébré avec un jour de décalage par rapport aux autres pays alliés, de par une différence de décalage horaire) ; les préparatifs pour la grande parade militaire ont déjà débutés. Ainsi, nous découvrons deux vieux side-cars Ural, le fusil mitrailleur à l’avant du panier, garés sur l’esplanade.

Quelques pas plus loin, nous apercevons pour la première fois la magnifique cathédrale « Saint Sauveur sur le Sang Versé ».  Ce magistral édifice construit dans la plus pure tradition des cathédrales orthodoxes est un hommage au Tsar Alexandre II, assassiné à cet endroit, en 1881. Entre les autres visiteurs, nous avons passé un long moment à observer les détails de ses façades et la somptuosité de ses coupoles colorées, malheureusement, lors de notre visite, sa flèche était en restauration. Une fois son architecture extérieure passée au peigne fin, nous portons toute notre attention sur son intérieur. Au premier abord, c’est l’absence de bancs qui me surprend, avant d’être envoûté par les couleurs des mosaïques des icônes qui recouvrent chaque recoin de ses murs, du sol au plafond.

A la sortie de la cathédrale nous assistons sur l’avenue Nevski, l’artère principale de la ville, au défilé du 1er mai. Pendant près d’une heure, et bien que nous arrivions en cours de route, nous avons assisté à la parade du parti politique de Poutine, venu célébrer à leur manière, la fête du travail. Les drapeaux ours et les couleurs de la Russie virevoltent au son des tambours et percussionnistes. En fin de cortège, le parti communiste défile une petite vingtaine de minutes en faisant danser ses drapeaux rouges. Un cortège composé essentiellement de retraités venus distribuer tracts et journaux tout en donnant de la voix sur les notes des chants de la révolution bolchevique. En fin de cortège nous furent étonnés de voir défiler les représentants antifascistes et les vegans, devançant de peu les groupuscules d’extrême droite. L’ensemble du cortège s’est déplacé sans violence, encadré par un important contingent militaire.

Quelques minutes plus tard, le temps pour nous de tourner les pages de quelques ouvrages de “la maison du livre », l’avenue Nevski à retrouvé son traditionnel train-train quotidien. Nous remontons l’artère et bifurquons sur la gauche au détour d’un canal pour rejoindre l’impressionnante “Place du Palais”, bordée au nord par le Palais de l’Ermitage. Une place qui reflète assez bien le côté grandiose et monumental de la ville et qui voit s’ériger en son centre, la colonne d’Alexandre, qui commémore la victoire d’Alexandre 1er sur Napoléon. Nous déambulons jusqu’au pied de la cathédrale Isaac avant de profiter de l’espace de verdure qu’offre le jardin d’Alexandre pour une pause sandwich aux côtés du groupe antifasciste.

Une fois revigoré, nous empruntons le pont Dvortsovy Most qui enjambe la Neva pour rejoindre, l’île Vassilevski et plus précisément, le Square de la Bourse. Cette esplanade, située à l’endroit où le fleuve se sépare en deux bras, offre cet après-midi là un joli panorama sur le centre historique de Saint Pétersbourg, illuminée par les doux reflets du soleil dans la Neva. Nous poursuivons nos pérégrinations en atteignant la forteresse de Pierre et Paul par la petite plage qui borde ses remparts. Dans ses jardins on observe des familles jouer à un jeu traditionnel avec des quilles en bois qu’ils dégomment avec un manche en bois plus long. La petite marche se termine dans la belle et sans prétention Cathédrale Saint Vladimir et ses coupoles aux douces couleurs bleus-ciel. La couleur de notre journée ensoleillée qui se termine en arpentant les dernières rues jusqu’à notre appartement, sous les chaudes couleurs du crépuscule.

Mais Saint-Pétersbourg ne connait que 35 jours d’ensoleillement par an, et c’est sans grand étonnement au son des gouttes que nous nous réveillons pour notre seconde journée dans la ville. Une météo propice à la visite du célèbre Musée de l’Ermitage. Un musée démesurément grand, qui regorge de trésors artistiques et mythologiques. Pour optimiser notre visite, nous avions priorisé la collection des grands maîtres impressionnistes. Nous nous sommes alors lancés au pas de course dans la traversée des salles, avons gravi le grand escalier du Palais d’Hiver avant de nous rendre compte, en interrogeant un gardien, que les oeuvres des impressionnistes étaient hébergées de l’autre côté de la grande place, dans le palais de l’Etat-Major. Ni une ni deux, nous dévalons le grand escalier en contre-sens des groupes de touristes et contournons la colonne d’Alexandre. Une fois devant la large collection de Matisse, Gauguin, Picasso, Renoir, Monet, nous sommes surpris du peu de personnes autour des oeuvres, un régal pour nos pupilles. Nous découvrons avec un grand intérêt les toiles de l’artiste américain Rockwell Kent, qui révèlent un très beau travail sur les couleurs et les lumières.

En milieu d’après-midi, il nous faut quitter Saint Pétersbourg. Nous poursuivons notre périple vers l’Est et atteignons sous la pluie et le froid, le petit village de Andreyevshchina.

Nous passons la nuit dans une petite auberge familiale du bord de route. Le village se trouve au bout d’un chemin de terre. Nous éprouvons quelques difficultés pour se comprendre avec les propriétaires des lieux, mais nous finissons par prendre nos quartiers dans deux chambres et à partager un coin de la cuisine avec la famille pour le dîner.

Il est alors grand temps de rejoindre nos quartiers pour une bonne nuit de sommeil, demain place aux lignes droites de la Taïga russe.