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Marina de Iekaterinbourg
Le premier contact avec Marina fut en amont de notre voyage pour essayer de trouver une solution pour expédier nos side-cars depuis l’Amérique du Sud et réussir à les faire importer en Russie. Nous espérions que son poste de responsable de l’entreprise « Seametria », en charge de l’importation de pièces mécaniques pour le compte de l’entreprise Ural de Irbit, soit un facilitateur pour entreprendre cette démarche. Mais, importer des véhicules par la mer et quitter ensuite le pays au guidon des side-cars par une frontière terrestre, est impossible en Russie. Un triste constat qui interrompit au même moment nos échanges avec Marina. Mais avec toute la gentillesse qui lui est propre, elle nous a proposé de la recontacter lorsque nous nous rapprocherions de Iekaterinbourg.
Ainsi la veille de notre arrivée dans la ville et après plus de 6 mois sans donner la moindre nouvelle, nous avons envoyé un nouveau message à Marina, comme on pourrait lancer une bouteille à la mer ! Et à notre grande surprise, nous avons obtenu une réponse des plus enjouées. Marina se plia alors en quatre pour nous organiser un programme au petit oignon. Elle nous proposa de nous rencontrer autour d’un dîner dans le centre historique de la ville. C’est ainsi que dès le soir suivant à 20h, nous la rejoignons au « Double Grill and Bar », en compagnie de son conjoint et de l’une de ses collègues. À la suite de ce chouette repas, autour de copieux et savoureux burgers, arrosés de bonnes bières locales, elle nous a offert en guise de cadeau de rencontre, 4 marinières inspirées de la tenue officielle de la marine russe. Elles deviendront rapidement la tenue officielle de l’équipe.
Le lendemain, Marina nous organisa une visite de la ville de Iekaterinbourg avec une guide, Lubov (ses coordonnées juste ici). L’occasion parfaite de découvrir tous les secrets de cette jolie ville russe.
Jenya, Sergei, Masha et Eugène
À notre arrivée à Irbit notre premier objectif est de mettre la main sur une “gostinitsa” où nous pourrions établir nos quartiers pour les quelques jours que nous passerons dans cette ville symbolique, lieu de naissance de nos side-cars. Dans le centre-ville, à proximité de la grande place où trône le monument célébrant la victoire de la Grande Guerre patriotique, nous nous garons devant un bâtiment à l’architecture similaire à un HLM, hors d’âge. Le GPS est formel, un hôtel devrait se trouver ici. Les filles y pénètrent et espèrent obtenir des informations sur d’éventuelles chambres disponibles. Garés au pied de l’immeuble, alors qu’avec Julien nous faisions le débriefing de l’étape du jour, Jenya et Sergei, motards eux aussi et intrigués par notre voyage, viennent à notre rencontre. Nous échangeons quelques mots à l’aide de nos téléphones portables. Une fois installés au dernier étage du vieille édifice, dans un petit appartement à la décoration vintage, nous les retrouvons pour découvrir la ville.
La promenade débute par l’achat de glaces faites par la laiterie artisanale locale. Nous déambulons ensuite dans les rues de la cité jusqu’à atteindre le “Carré des Lilas,” une vaste place bordée par le bureau de poste, le monument à la gloire de Catherine II et quelques commerces. À quelques encablures de là, nous partageons une bière sur un banc. L’endroit est très charmant. À notre droite nous pouvons apprécier l’architecture d’une ancienne tour de guet en bois, reconstitution de celle fondée par les colons dans la première moitié du XVIIe siècle, date de fondation de la ville. Derrière nous, un joli petit pont suspendu enjambe la rivière Irbitka. L’édifice, piéton, est la porte d’entrée de l’ancien parc et de ses sentiers abandonnés. Créé par Vasily Nikolayevich, au début du XXe siècle, il permettait dans ces belles années, d’apprécier le travail de cet homme qui pendant plus de 55 ans apporta plus de 50 variétés de fleurs. Grâce à lui, les lilas se sont aujourd’hui acclimatés au climat ouralien et sont venus fleurir la place qui aujourd’hui porte le nom de cette plante violette.
Notre breuvage terminé, nous poursuivons notre découverte de la ville au coucher du soleil, en prenant la direction de l’usine Ural. Nous empruntons l’ancienne entrée de l’usine avant de nous perdre entre les allées et les anciennes voies de chemin de fer, se frayant un chemin entre les vieux bâtiments désaffectés. L’usine a pu produire jusqu’à 150 000 motos par an sous l’ère soviétique, alors qu’en 2010 elle ne voit sortir de ses lignes d’assemblage que 800 side-cars, faisant de ce lieu une véritable ville dans la ville, aujourd’hui à l’abandon.
Le lendemain, après une journée riche en rebondissement dans l’antre de l’usine Ural (retrouver tous les détails dans notre précédent article ici), nous retrouvons Jenya et Sergei, au pied de notre “gostinitsa.” Ils sont accompagnés d’amis motards formant un impressionnant cercle de “golgoths” russes, blouson en cuir sur les épaules. Ils nous invitent à un barbecue, appelé ici “chachlik,” du nom des brochettes de viande marinée qu’ils font cuire sur les braises. Pour cela nous les suivons à pied jusqu’à la sortie de la ville. C’est là qu’a été construit dans les années 60, un véritable lotissement de garages. La vie sociale s’est alors progressivement développée dans ce que l’on appelle ici les “garajniki”. Ici, chacun se prête main forte, que ce soit pour cuire du pain, réparer un appareil électroménager ou fumer du poisson, le tout dans une ambiance de grande débrouillardise. On y répare toujours de vieilles mobylettes, des motos et des voitures de marques européennes d’un autre temps. Selon Sergei, c’est d’ailleurs derrière ces portes métalliques que se concentre le plus grand nombre de side-cars Ural au kilomètre carré. Certes, peu sont en capacité de rouler mais, ici, chaque famille a entreposé le vieux “tracteur” familial.
La soirée avance progressivement, nous avons pris place dans les canapés positionnés au fond du garage de Jenya et Sergei. Dehors le barbecue est allumé et les brochettes de viande marinée crépitent sous l’action des braises. Pour nous faire patienter en attendant que la viande dore, nos amis nous font découvrir l’un de leurs amuse-bouche préférés, le poisson fumé. Ici pas de chichi, à tour de rôle on attrape un petit poisson avant de croquer dedans à pleinesdents, déchirant les filets tout en prenant bien soin de ne pas croquer dans les abats. Les téléphones passent de main en main. Notre nouvelle application préférée : “google traduction” révèle chacune de nos blagues et autres anecdotes. Entre tours de magie et découverte des musiques populaires russes, l’heure tourne sans que nous nous en rendions compte. La soirée se terminera à 4h du matin sur la place à proximité de notre hôtel où officie la supérette 24/24.
Pour notre troisième soirée ensemble, Jenya, Sergei et Eugène, accompagné de Ivan, nous rejoignent une nouvelle fois en bas de notre immeuble. Nous traversons la ville pour atteindre un vieux bâtiment industriel qui abrite à l’étage un bowling. L’intérieur, certes vide ce soir, ressemble aux salles que l’on connaît en France. Dans cet espace, il y règne un esprit clubbing. Le patron des lieux nous fait d’ailleurs une petite démo de ses talents de DJ. Entre la dégustation d’une nouvelle crème glacée de la ville et le partage d’une chicha, les boules percutent “presque” systématiquement les quilles de l’autre côté de la piste.
Le soir de notre quatrième et dernière soirée à Irbit, nous rejoignons une ultime fois nos amis d’Irbit pour partager ce qui devait être la bière “finale”. Le froid étant bien prégnant et les bières déjà achetées au supermarché, Sergei demande à Eugène s’il est possible de venir les boire dans le gymnase où il officie en tant qu’entraineur d’athlétisme. Une fois obtenue la réponse positive, nous nous dirigeons vers le bâtiment municipal, puis grimpons à l’étage dans la tanière du coach. Nous prenons place sur les canapés qui font face à son bureau. Une fois les bières finies, Eugène nous offre fanions et médailles en tant que souvenirs. Puis par surprise, sort des bouteilles de vodka de sous son armoire. Nous ne pouvons refuser ce geste d’affection et partageons quelques shots accompagnés de cornichons, charcuterie et fromages.
Le lendemain matin après un nouveau réveil difficile, alors que nous rangeons nos affaires sur les sides, une journaliste se présente à nous. Nous voilà, à 5 minutes du départ, devant une caméra enregistrant notre interview, aidés de google traduction. Nous sommes rejoints à ce moment là par Eugène, Masha et un de leurs amis motards. Eugène nous est alors d’une grande aide et devient notre attaché de presse résumant à la perfection notre périple auprès de la journaliste. Une fois le voyage décrit sous toutes ses coutures, il nous offre l’autocollant de la Russie, tant recherché, que l’on colle sur nos valises aux côtés de ceux des précédents pays traversés, ainsi qu’un joli pin’s de l’entreprise IMZ (l’usine Ural).
Nous prenons ensuite la route sous un beau soleil en leur compagnie. Sur les 50 premiers kilomètres en direction de Iekaterinbourg, ils doivent faire preuve d’un peu de patience au vu de la vitesse de pointe de nos tracteurs, tandis qu’ils chevauchent de vraies sportives. À mi-chemin nous tombons en panne d’essence, et ce bien que le compteur affiche 100 kilomètres depuis le dernier plein (soit approximativement un tiers du réservoir). Mais nous avions oublié de prendre en considération la perte d’essence lorsque les techniciens ont démonté nos réservoirs. Eugène nous avait pourtant posé la question avant de partir. Par chance, nos bidons de secours n’étaient eux pas vides. C’est après en avoir versé le contenu dans le réservoir que nous reprenons la route jusqu’à un café situé quelques kilomètres plus loin. Nous y dégustons une soupe Salenka accompagnée d’un sandwich de viande. Dernier tour de magie fait avec une cigarette avant la dernière accolade. Les motards d’Irbit rentrent au bercail quand les Urals, elles, poursuivent leur route vers Iekaterinbourg puis le Kazakhstan. Pour la première fois, nous mettons le cap en direction de la maison !. En plus de la peine de quitter nos amis, une pointe de nostalgie fait son apparition, pour la première fois la fin du voyage se fait ressentir…
Ivan et le Motoclub des Loups de la Nuit de Orenbourg
Arrivés à Orenbourg, la dernière ville principale avant la frontière Kazakh, nous nous mettons en quête d’huile pour la vidange de nos moteurs. Mais dans les différentes boutiques que nous faisons, impossible de trouver de la 20W50. Il fait trop froid ici et les valeurs les plus hautes ne sont que du 10W40. Les différentes boutiques visitées vendent même régulièrement de la 0W50. Au vu de la météo qui nous attend ces prochains jours dans le désert kazakh, il nous faut maintenir des valeurs d’acuité de l’huile plus élevées.
Devant l’une des boutiques, nous rencontrons Ivan. Passionné de moto, il nous file un coup de main et appelle une dernière échoppe qu’il connaît, le “Motokrug56”. Le patron au téléphone lui assure qu’il devrait avoir ça en stock. Nous suivons donc Ivan et sa voiture Daewoo dans les rues de la ville. A l’heure de la débauche, le trafic est important et il faut parfois « jouer des coudes » dans les différents carrefours.
Le vendeur d’huile n’est autre que le président du club de moto des “Loups de la Nuit” de Orenbourg. Ce motoclub est très présent nationalement et en Europe de l’Est où il joue un important rôle politique aux côtés du Président Poutine. Mais lui non plus n’a pas dans ses stocks l’huile qu’il nous faut. Il tente un dernier coup de poker en prenant contact par téléphone avec un revendeur Motul à Ouralsk, notre première ville étape au Kazakhstan. À l’autre bout du fil, la personne lui garantit de réserver 6 litres d’huile 20W50 pour les “petits français” qui débarqueront dans les prochains jours. Les échanges sur les motos et le voyage se poursuivent avec l’aide de « Google traduction ». Nous visitons l’entrepot du magasin se trouvant au sou-sol (un vieil Ural avec pneus cloutés, dormant au fond du garage, est préparé spécialement pour les courses sur glace, véritable tradition hivernale russe) et prenons la pause pour quelques photos de groupe.
Le lendemain, en l’absence d’huile pour les vidanges et les importantes rafales de vent qui font virevolter trop de poussière pour que l’on puisse s’atteler aux soupapes, il nous faut nous rendre à l’évidence et reportons la session mécanique. Pas de véritable excuse pour les graissages des cardans mais ils attendront eux-aussi. Nous privilégions la visite de la ville guidée par Ivan. Nous pérégrinons dans le jardin de “Frunz” où sont exposés différents véhicules qui illustrent le savoir-faire technologique russe dont parmi eux de nombreux véhicules militaires et un vieux side-car Ural. Nous poursuivons notre visite du centre historique sur les quais aménagés des rives de l’Oural puis empruntons le pont qui sépare l’Europe et l’Asie en enjambant le fleuve.
C’est à la sortie d’une entreprise spécialisée dans l’aérospatiale que nous retrouvons la petite-amie de Ivan. Elle y occupe un poste dont les missions sont classées « secret-défense ». Nous nous rendons ensuite au pied du monument dédié au célèbre Yuri Gagarine. L’astronaute a en effet étudié dans la ville avant de réaliser son exploit dans l’espace. Au pied de la statu,e, nous sommes rejoints par Peter, l’un des jeunes membres du motoclub. Nous nous dirigeons ensemble vers le café à côté du magasin Motokrug56 où nous sommes invités par nos amis à déguster des chachlik. La soirée se termine en visitant avec eux l’atelier où sont entreposées les motos du club. Le lendemain nous laissons derrière nous Ivan, les membres du motoclub et Orenbourg, pour prendre la direction de la frontière kazakh.