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La traversée de la Mer Caspienne
Dans tout carnet de route, il est mentionné que “le voyage est plus important que la destination”. La traversée de la mer Caspienne en est une expérience des plus symptomatiques de notre périple, qui révèle à elle seule toute la véracité de ce dicton.
Dès l’étude de l’itinéraire nous avions rapidement pris conscience que voyager à bord d’un cargo entre le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan ne transpirait pas la simplicité. Et les premières recherches de retour d’expérience sur cette traversée, ne firent que confirmer nos craintes…
Le rythme des liaisons dépendrait de la météo et des cargaisons transportées. Aucun horaire d’embarquement ne pourrait être connu à l’avance et les billets seraient introuvables… Toutes sortes d’histoires qui forgent le mythe de cette traversée !
Nous nous y étions donc préparé et cela n’a pas loupé, s’armer de patience fut donc le maître mot de cette expérience.
À notre arrivée dans la ville de Aktaou, étant donné l’absence de jours et horaires précis quant au départ des bateaux, notre premier objectif fut d’obtenir cette précieuse information. Ainsi, lors de nos pérégrinations dans les rues, nous questionnons tout bureau qui s’apparente à une agence de voyage. En vain !
Mais le hasard fait bien les choses. Alors que nous étions en pleine programmation de notre aventure dans la Vallée de Boszhira, Sergueï nous propose de nous conduire dans son 4×4 d’aventurier jusqu’au bureau d’une compagnie de ferry pour que l’on y obtienne de plus amples informations sur les prochains départs de bateau. Julia, l’agent de la compagnie, nous invite à revenir le mardi après-midi pour acheter des billets pour un bateau qui partirait le mercredi.
De bon matin, après un premier appel auprès de l’agence, cette dernière nous invite à passer acheter nos billets en cette fin d’après-midi. Et alors que le délai semblait des plus larges, au fil de la conversation notre timing commence à fondre à vitesse grand V. Alors qu’en début de conversation Julia nous invitait à prendre la route pour le port le lendemain matin à 8h, après de plus amples renseignements nous précisant qu’il nous fallait notamment enregistrer nos motos auprès des douaniers, elle nous conseilla de prendre immédiatement la direction du port.
Passage express par l’hôtel pour plier nos affaires et payer nos dettes. Il est 20h quand nous quittons le parking de l’hôtel pour rejoindre le port de Kourik à 80 km au Sud de Aktaou.
Les couleurs sont belles à la tombée de la nuit. Arrivés à hauteur du village de Kourik, nous empruntons une route sur la droite. Alors que nous pensions que les derniers kilomètres se feraient sur une piste, c’est finalement sur un asphalte tout neuf que nous rejoignons la zone portuaire.
C’est dans le noir et sous un épais brouillard que nous atteignons le port. Nous ne nous attendions pas à voir ces bâtiments si moderne au milieu de nul part. En compagnie d’une équipe internationale de routiers ; de Christoph et Maïka, un couple d’allemands au volant d’un van UAZ ; et de Yves, un français au volant de sa Lada Gigouli ; nous procédons à l’enregistrement de nos véhicules sur le prochain ferry du lendemain.
La procédure d’enregistrement est légèrement désorganisée, mais tout fini par rentrer dans l’ordre et nous franchissons les barrières qui symbolisent l’entrée du port. Après avoir réalisé la sortie du territoire et de nos véhicules auprès de la douane ; nous partageons et savourons un plat de pâtes autour de la cuisine de Ahmet, aménagée dans une petite caisse sur le côté de la remorque de son camion. Nous passons la soirée sur le parking, en compagnie de notre joyeuse équipe, puis installons notre campement dans les couloirs de la douane.
Sur les coups de 9h, les employés arrivent au compte-goutte pour prendre leur poste dans les bureaux de la douane. Alors que nous prenons tranquillement notre petit-déjeuner dans la cafétéria du port, nous sommes interrompus par les agents de la douane, sans même pouvoir finir notre thé, pour la fouille de nos véhicules. Alors que nous patientons depuis plusieurs heures, il nous faut d’un coup être des plus réactifs et accélérer le pas.
Le contrôle se passe sans encombre. Les chiens sont plus préoccupés à jouer avec une bouteille en plastique que par le contenu de nos valises.
Nous patientons de nouveau toute la fin de matinée. Nous observons un premier bateau partir, chargé de wagons de marchandises. À 10h, notre ferry « Professor Gul” fait son entrée dans le port. Une petite heure après s’être déchargé de ses véhicules arrivant de Bakou, c’est à notre tour de nous approcher des quais d’embarquement. Nous devons encore patienter, le temps que de nouveaux wagons prennent place dans la cale du bateau, occupant une grande partie de ce pont inférieur.
Nous accompagnerons pendant cette traversée cinq routiers dont Ahmet ; Maïka, Christoph et leur UAZ (@bibi.und.hilde) ; Yves, Juliette, Solann et leur Gigouli ; Mario et Gema à vélo (@apinonfijo) accompagnés de David et Ally eux aussi amateurs des coups de pédale (@wheely_far). Pour compléter cette fine équipe, montrons également sur le bateau deux familles kazakhes et leurs voitures. Une fois les véhicules garés dans la cale, nous prenons possession de nos cabines à l’aménagement des plus rudimentaires et patientons encore deux petites heures, le temps de faire tamponner nos passeports par deux membres de l’armée montés spécialement sur le bateau pour l’occasion.
Il est 18h quand les moteurs du bateau se mettent enfin à rugir, soit 20 heures après notre arrivée. Le port de Kourik s’éloigne progressivement.
Nous débutons la traversée en savourant un thé en compagnie de la joyeuse troupe avant que le dîner ne soit rapidement servi dans la cantine du bateau.
Un apéritif est improvisé au coucher du soleil, sur le pont supérieur du ferry. Nous partageons les quelques gouttes d’alcool que nous avons dans nos valises et discutons ensemble de nos périples respectifs. Les membres de l’équipage se joignent à notre troupe de “routards ». Des notes de russe, turc, français, anglais et espagnol s’échappent entre les deux tours de fumée qui s’échappent des cheminées du bateau.
Au menu du petit-déjeuner, oeufs durs dans la petite cantine du bateau, avant que chacun des voyageurs ne vaque à ses occupations : lecture, parties de “dutch” (jeu de cartes) enflammées, série tv… Vient de nouveau l’heure du thé qui laisse rapidement sa place au déjeuner. En début d’après-midi, Bakou est en vu, les plateformes pétrolières agrémentent également le paysage. Nous devons encore patienter puisque notre port d’arrivée, Alat, se situe à 70km au sud de la ville. Nous y accostons vers 16h, heure locale (-1h/Kazaksthan). Il nous faut une nouvelle fois patienter alors que la porte du pont vient d’être descendue sur le quai ; David en vrai acrobate, en profite pour se lancer dans une petite représentation de diabolo.
C’est dans un premier temps à pied que nous nous dirigeons vers les services de douane Azeri. Nous y présentons nos “e-visas” en échange du tampon sur nos passeports. Pour Emilie et moi quelques soucis informatiques allongeront le temps de traitement de notre dossier et fera monter d’un cran notre niveau de stress.
Puis il nous faut sortir les motos du bateau et passer les valises et top-cases aux rayons X, sur un tapis roulant similaire à ceux des aéroports. Les douaniers sont à la recherche de drones qu’ils pourraient confisquer du fait de l’interdiction stricte de les utiliser dans le pays. Julien passant le premier, nous alerte à ce sujet. Nous cachons alors le nôtre dans le fond du coffre du panier. “Ni vu, ni connu,” il passe entre les mailles du filet.
Nous poursuivons notre périple administratif en réalisant l’import des side-cars auprès du bureau suivant. Nous y sommes accueillis par un jeune douanier qui parle anglais. Une fois le sésame obtenu, il nous indique la sortie du port, nous assurant que l’ensemble des démarches sont accomplies. Information étonnante puisque nous n’avons pas encore payé le passage des motos sur le ferry.
Arrivée à la dernière barrière avant la sortie du port, nous présentons l’ensemble des documents en notre possession. Comme attendu, l’agent nous indique qu’il nous manque effectivement un document que l’on se procure à la “Kasa.” Nous suivons leurs indications pour trouver ce guichet caché derrière le parking de l’embarcadère, dans un vieux conteneur aménagé en bureau. Nous y rejoignons finalement l’ensemble de nos amis “routards.” On ne comprend pas ce qu’il faut payer, à qui, pourquoi, à quel guichet. Certains en échange de nos dollars nous donnent des tickets, d’autres nous dirigent vers un autre guichet pour obtenir un reçu , bref c’est un joyeux bazar !
Nous finissons par nous acquitter du passage de nos motos pour la modique somme de 110 dollars US. Il est 22h, nous quittons le port en compagnie de Maïka et Christoph, le cortège des véhicules russes avalent les 70 km qui les séparent de Bakou, avant de partir à la découverte de l’Azerbaïdjan.