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C’est en compagnie de nos acolytes Maika et Christoph au volant de leur camionnette UAZ que nous faisons notre entrée en Georgie, à hauteur du poste frontière de Lagodekhi. Les infrastructures y sont un peu vétustes mais nous sommes, une nouvelle fois très bien reçu par les personnes en poste. Emilie, en tant que pilote n°1 sur les papiers de Caradoc, réalise l’import du side-car auprès de la douane de ce pays. L’agent ne fera aucun contrôle et tamponnera dans la foulée son passeport. En parallèle je passe pour ma part sans encombre devant un autre agent posté dans le bâtiment des “passagers.”
Quelques kilomètres plus loin, nous nous arrêtons dans un préfabriqué où une agence d’assurance a élu domicile. Chacun des véhicules formant le « Gang russe » souscrit à un contrat pour une durée de 15 jours.
Il est 14h passé quand nous arrivons dans la ville de Lagodekhi. Nous nous stationnons sur la place principale et interrogeons une jeune femme pour débusquer une adresse où déjeuner. Alors que nous trouvons porte close devant la première enseigne, nous grimpons les trois marches qui mènent à un petit “kebab”. Sous le regard légèrement oppressant des habitués des lieux, nous y commandons le seul plat encore disponible en ce début d’après-midi, des pains frits au fromage.
Lagodekhi est une petite cité sans grand intérêt touristique, si ce n’est d’être le point de départ de randonnées qui s’aventurent jusqu’à la frontière Azérie dans le parc naturel éponyme.
Quand vient le moment de se mettre en quête d’un endroit où bivouaquer, nous misons donc sur l’entrée principale du parc où il est renseigné l’existence d’un camping. Mais en arrivant sur place, le guide refuse que l’on y plante la tente. Il nous indique une seconde entrée plus isolée et adaptée au dressage de notre campement. En effet, au bout d’un chemin rocailleux, nous découvrons une agréable petite clairière.

Nous partageons ce soir-là, notre table de pique-nique avec un couple de retraités allemands, qui, après avoir traversé l’Europe et la Turquie, se dirigent vers la Mongolie. C’est autour d’un verre de vin blanc géorgien, peu fameux, qui leur a été offert la veille, que les heures de la soirée défilent jusqu’à la tombée de la nuit.
La zone géographique étant réputée pour se dégourdir les jambes, le programme de la journée du lendemain est consacré à une randonnée qui remonte la rivière Ninoskhevi jusqu’à la cascade du même nom. Spectaculaire du haut de ses 40 mètres, nous y piquons une tête avant de rebrousser chemin.

La nuit se rapproche quand les trois bolides se remettent en route. Nous effectuons une centaine de kilomètres sur de jolies routes de montagne qui se faufilent au milieu des villages. Dans l’un d’eux, nous effectuons une courte pause pour acheter du pain en perspective du bivouac du soir. Marie en profite pour rentrer dans l’arrière boutique pour observer la confection de ce pain traditionnel, à la méthode de cuisson originale.
Le pain traditionnel géorgien, appelé Shoti, est préparé dans un four cylindrique de terre cuite ressemblant étrangement à un puits. Une fois la pâte préparée, elle est collée contre la paroi intérieure du four jusqu’à ce que sa forme atypique, qui rappelle celle d’un bateau, voit sa coque devenir croustillante.
Quelques kilomètres plus loin, baguette en poche, nous nous mettons en quête de l’emplacement parfait pour passer la nuit. Lors de notre repérage du site potentiel, dans un vaste espace fait d’arbres clairsemés, un serpent de plus d’un mètre de long et au diamètre de près de 5 cm se présente face à nous.
À peine refroidis, nous installons tout de même les tentes à une centaine de mètres de là, au pied de quelques vignes.
Lors de notre petit-déjeuner nous recevons la visite du fermier, propriétaire de ces terres qui promène ses vaches. Il nous souhaite le bonjour et nous propose de nous partager un peu de son trésor : une vielle bouteille d’alcool de sa production cachée au pied d’un arbre à proximité. Vu l’heure matinale, nous refusons gentiment et lui offrons une tartine de confiture. Nos échanges sont compliqués, lui, parlant en géorgien et, nous, essayant de le comprendre en balbutiant trois mots de russes, d’anglais et d’allemand. Maika finira par déchiffrer qu’il nous mettait en garde contre les serpents, très présents dans la région.
Nous atteignons ce matin-là, le petit village de Udabno. À notre arrivée, nous prenons nos quartiers dans une petite auberge, qui n’est autre qu’une maison modeste dont les trois chambres inoccupées ont été proposées à la location par un couple de retraités.
Christoph aux commandes, Maika en copilote et tout les quatre sur la banquette arrière du UAZ, nous prenons la direction du monastère de David Gareja. Comme des enfants, nous collons notre tête contre les fenêtres regardant le paysage désertique défiler à mesure que les pierres de cette route défoncée glissent sous les roues de la camionnette. La route et son revêtement très aléatoire, pour ne pas dire très rocailleux, mettront en évidence les compétences de pilote de Christoph.

Isolé de tout, le monastère est perché à flanc de falaise, à la frontière Azérie. Certaines pièces ont été aménagées dans la roche, telles des maisons troglodytes. Nous escaladons la crête qui marque la frontière avec l’Azerbaïdjan. Le point de vue sur cette plaine désertique est magnifique. Les militaires des deux pays se côtoient sur cette ligne imaginaire. Mais aujourd’hui cette dernière semble être au cœur des préoccupations des gardes frontières. Un petit groupe d’entre-eux s’est réuni autour d’un touriste, qui à certainement dû vouloir s’aventurer de l’autre côté de la frontière.

Sur le chemin du retour vers notre auberge, le van russe et son pilote esquivent de peu une grosse tortue qui avançait au milieu du chemin. Fin de soirée s’orchestrera autour d’un copieux dîner préparé par la maîtresse de maison, accompagné en fond sonore par des vaches qui meuglent sous les éclairs de l’orage tout proche.
Notre prochaine étape nous mène à Sagarejo ; mais avant cela nous effectuons un petit détour pour découvrir la région viticole de la Kakhétie et le vignoble de Antadze.
Notre aventure nous conduit ensuite dans le paisible monastère de Ninotsmindis. Vert et fleuri paysage, sa chapelle principale en son centre a été détruite et est restée en ruines, tandis que les remparts entourant l’édifice sont eux toujours debout.
Nous parcourons ensuite les 45 kilomètres qui nous séparent de la capitale Tbilissi. pour rejoindre l’auberge qui sera notre lieu de villégiature pour ces prochains jours. Pour l’atteindre nous traversons le centre-ville par l’une de ses artères principales. Avec la chaleur et le léger trafic, les moteurs deviennent capricieux. Il nous faudra d’ailleurs une fois l’auberge atteinte, pousser les motos jusque dans sa cour, celles-ci ne voulant plus redémarrer.
Une fois pris possession des lieux, nous faisons la connaissance de trois autres motards qui voyagent séparément : un hollandais en BMW, une suisse en Royal Eindfield et un français en Husqvarna. Nous passons la soirée en leur compagnie et partageons avec eux, sur les bancs en palette de l’auberge, les bouteilles de vin achetées dans la petit vignoble de l’après-midi.
La capitale géorgienne construite sur les rives du fleuve Koura, est nichée entre les montagnes du petit et du grand Caucase.
Cité verdoyante, on y trouve de nombreux parcs et de jolies petites cours fleuries au pied des immeubles.
En fin de matinée, débute notre visite de Tbilissi. Nous descendons la colline de notre hôtel pour rejoindre la rivière Kura. Pour rejoindre le quartier historique, nous enjambons à l’aide du pont Saarbruecken, et traversons le parc Dedaena. Dans ce parc, le long de la rivière, des petites boîtes à livres, telles que celles tenues par des bouquinistes des quais de Seine, ornent le muret.

On y trouve des livres en français et en allemand. Derrière le bâtiment, des services publiques, nous empruntons le pont qui enjambe l’avenue Gansakhurdia pour rejoindre la rue du marché aux fleurs et la charmante petite place du jardin Orbeliani. Nous remontons par les petites rues jusqu’à l’avenue Rustavelli que nous empruntons pour rejoindre la galerie commerciale “Tbilissi”, où nous nous autorisons un pause glace. Depuis la Place de la Liberté, que nous traversons à l’aide d’un souterrain, dans lesquels nous trouvons les stickers avec les drapeaux du pays.
L’importance accordée à l’automobile a influencé de manière importante l’urbanisme et l’aménagement de la ville, créant de grande artères et de nombreux passages souterrains pour les traversées.
Ces derniers peuvent aussi bien être des lieux sombres et tristes, que des tunnels vivants et colorés regroupant des échoppes, des salons de coiffure ou offrant de véritables toiles de béton aux street-artistes.
Nous rejoignons les petites rues du centre historique pour y déjeuner en terrasse, au menu nous testons la “pizza géorgienne” appelée Kachapuri. Ce plat n’est autre que le Shoti, le pain georgien évoqué précédemment, garnit ici de fromage (la composition diffère selon les régions, mais le fromage reste souvent son ingrédient principal). Celui que nous avons choisi vient de la région d’Ajari (sud-ouest du pays), et à la particularité de posséder un oeuf au plat en plus du fromage.

C’est en suivant la promenade guidée d’un “free walking tour” que nous poursuivons notre découverte du quartier historique. Celle-ci débute par la porte d’entrée médiévale située sur l’avenue Pushkin, dont il ne reste aujourd’hui que les vestiges de ses fondations. Nous tombons alors sous le charme des rues sinueuses de ce quartier dont la vétusté de ses bâtisses offre au lieu une atmosphère pittoresque. Les immeubles en bois, décrépis et rafistolés commencent à pencher sérieusement quand d’autres sont en total restauration.
Au cœur de ce dédale de petites rues deux vieilles bâtisses sont devenues célèbres ; la première du fait de ses nombreux escaliers extérieurs (caractéristique des habitations caucasiennes) rappellent les escaliers de Poudlard ; la seconde dotée d’une cour intérieure formée par son architecture en U, est particulièrement admirable par ses boiseries sophistiquées peintes en bleu ciel.
Nous poursuivons notre visite par la Tour de l’Horloge, monument emblématique de la ville tant elle est saugrenue. Elle sonne à notre arrivée les coups de 19h, symbolisés par l’apparition de petits personnages représentants les étapes clés de la vie des géorgiens. Nous traversons la Kura par le pont de la paix qui symbolise la réconciliation avec la Russie après la guerre de 2005. Depuis le Rike Parc nous avons une belle vue sur la forteresse Narikala qui surplombe le quartier historique en compagnie de l’immense statue de Kartlis Deda, allégorie de la “Mère Géorgie”, qui tient dans sa main gauche une coupe de vin pour les amis et dans sa main droite une épée pour les ennemis. C’est dans le quartier Abanot, célèbre pour ses bains dont l’eau riche en soufre provient de la cascade de Legvtakhevi que nous quittons notre guide.

Cette journée de pérégrination se termine à La Fabrika, un lieu qui regroupe un centre culturel, un espace de co-working, héberge des artistes en résidence et est très fréquenté en ce vendredi soir pour ses bars et sa street food. Nous craquons d’ailleurs après cette belle journée de marche pour un petit burger de falafels.
En fin de matinée, le lendemain, nous nous lançons dans le trafic pour quitter la capitale et poursuivre notre périple vers l’ouest sur les routes géorgiennes.