Baignade Uruguayenne

English version available here.


Carrières de Riachuelo
Coordonnées GPS : 34°26’36.0″S 57°43’30.5″W

L’Uruguay est un pays, qui depuis de nombreuses années, est tourné vers l’Océan Atlantique. Pour comprendre la relation étroite qu’entretient le pays avec sa façade océanique, il faut remonter quelque peu dans le temps.

Au 18e siècle, la bande orientale du Rio Uruguay, qui aujourd’hui forme le territoire de l’Uruguay, n’est qu’une vaste prairie entourant le port de Montevideo. Les caractéristiques géographiques de la région, avec son mont facile à repérer (qui donnera son nom à la ville) et une baie formant un vaste mouillage naturel, offrent un emplacement stratégique pour la création du port. Construit à l’origine pour être un bastion militaire, il devient rapidement un port de commerce rival à celui de Buenos Aires ; la lutte entre les deux ports marquant le début de l’identité uruguayenne.

L’essor du commerce maritime, au début du 19e siècle, va entraîner l’expansion de la ville, renforcer son identité portuaire, et accroître son désir d’autonomie, vis-à-vis de la métropole régionale qu’est Buenos Aires.

L’Uruguay naît en 1828, du souhait des britanniques de créer un “État tampon” entre l’Argentine et le Brésil. La ville de Montevideo s’enrichit alors par le commerce, mais reste un port sans arrière-pays. Une caractéristique qui marque l’histoire du pays, opposant constamment la capitale et sa culture venant de l’Europe, à “l’intérieur” du pays et sa culture des “Gauchos”.

Depuis la fin du 19e siècle, la fonction portuaire de Montevideo perd de son importance. Les liens entre la ville et le port se distendent. C’est le début de la ville “européenne.” Les vagues d’immigrations françaises et italiennes modifient profondément les comportements, les modes de vie et donnent un caractère nouveau à la ville. La capitale se tourne alors vers les plages qui s’étendent le long de la côte Est. Bougainville, marin français du 18e siècle, notait déjà dans son carnet de route que tout, à Montevideo, invitait le matelot à l’oisiveté des jours tranquilles sous un climat heureux…

Au 20e siècle et encore aujourd’hui, c’est une nouvelle fois ce climat et sa douceur de vivre, qui incita les Uruguayens à renouer un lien fort avec l’océan pour son côté récréatif. Le port, réaménagé à cette période, n’offre alors à la baie qu’un intérêt économique ; quand le remblai et sa promenade, propices au farniente, sont érigés le long des plages de l’Atlantique. La ville et le pays se tournent donc vers l’océan pour sa fonction “balnéaire” en aménageant le front de mer, en créant des ports de plaisance et en développant les “villes de la côte”.

Lors de notre traversée du pays, la douceur du climat nous invita, nous aussi, au farniente et à la baignade. Mais ce n’est finalement pas dans les vagues de l’océan, ni sur la plage de l’une des stations balnéaires du pays que nous avons connu le bain le plus marquant d’Uruguay.

En interrogeant Jorge, sur un spot de baignade intéressant avant d’atteindre Montevideo, il nous invita à découvrir l’embarcadère de Riachuelo.

Situé à 12 kilomètres de Colonia del Sacramento, l’embarcadère est connu des marins locaux comme étant une petite zone de mouillage paisible, sur la petite rivière du même nom, où il est agréable de venir apprécier un joli coucher de soleil sur sa plage déserte.

Mais l’un des charmes les plus exclusifs de Riachuelo réside sans aucun doute dans ses carrières. En effet, l’Uruguay compte plusieurs jolies carrières qui valent le détour, réparties le long de ses côtes. Un secret bien gardé par les locaux, qui n’en révèlent que rarement l’accès afin de préserver la tranquillité des lieux.

Sur les conseils de Jorge, nous avons, après le petit-déjeuner, pris la direction de l’embarcadère de Riachuelo, puis laissé les side-cars sur son parking pour emprunter le petit sentier qui mène à cette piscine naturelle. Elle s’est formée après l’exploitation d’une ancienne carrière de pierre qui, lorsqu’elle a atteint la nappe phréatique en dessous, s’est remplie d’eau. Entourée de rochers qui offrent de jolis espaces pour bronzer et se reposer, nous sommes seuls au milieu de ce magnifique espace naturel.

Pour honorer les influences un peu hippies de notre ami Jorge, nous prîmes plaisir, Julien et moi, à nous présenter face à cette réserve d’eau, dans notre plus simple appareil, en haut du pic rocheux le plus élevé.

Pour l’atteindre, il faut tout d’abord se lancer dans une ascension épique d’une petite dizaine de mètres, au milieu de ce qui s’apparente à une jungle, lorsque l’on s’y aventure dénué de tout vêtement. Puis vient le moment de faire face au vide, un petit coup d’œil à droite pour s’assurer qu’aucun promeneur est en approche, un petit coup d’œil à gauche pour trouver le soutien de sa petite amie ; et il faut s’élancer. Les cinq mètres estimés ne représentent pas en soi une grande performance, mais le sentiment de liberté que procure ce plongeon, de bon matin, rend le moment unique. La température de l’eau est agréable, le soleil est encore doux, les mouvements de brasses dégrippent le dos, il est temps d’affronter de nouveau la jungle pour réitérer l’expérience. Une fois l’adrénaline remplacée par un léger sentiment de fatigue à la vu de l’ascension nécessaire pour atteindre le piton rocheux, vient le moment de trouver place sur la serviette, pour quelques minutes pendant lesquelles les rayons du soleil font disparaître les perles d’eau qui ruissellent sur nos peaux humides.

Après avoir savouré l’instant présent, vient le temps de se rhabiller, pour retrouver les codes de la vie en société et refermer cette parenthèse enchantée, offerte par le pouvoir des rencontres de voyage.

Rencontre uruguayenne

English version available here.


Jorge et ses noeuds marins

Après avoir visité la ville historique de Colonia de Sacramento, nous longeons les platanes de l’ancienne route qui mène à Montevideo. Quelques kilomètres après la sortie de « Colonia », nous bifurquons à gauche, après le village de Riachuelo, pour s’engager, sur une plus petite route encore, qui mène chez Jorge. Ce vieux loup de mer solitaire, vieil ami de Ricardo (notre ami motard de Buenos Aires) nous accueille pour la soirée. Les premiers échanges sont très réservés. Ébéniste de métier et de passion, c’est en discutant du travail du bois, que la relation de confiance se créée. Tout en nous contant son histoire, qui le conduisit du Lycée Français de Buenos Aires à l’Uruguay ; il nous mena au fond de son jardin, nous présentant chaque arbre et ses essences, jusqu’à son bel atelier. Il y règne une douce odeur de bois coupé. Entre les copeaux et les planches brutes se cachent de jolies pièces de mobilier façonnées par les mains de l’artiste.

Nous rebroussons ensuite chemin jusqu’à son antre. Nous y découvrons une jolie pièce de vie, à la décoration simple et cosy. Le bois y est bien-sûr très présent, et de nombreux objets maritimes ornent les murs.

Jorge voue également une véritable passion pour la mer et les océans. Marin aguerri, il tira de nombreux bords sur le Rio de la Plata, avec Ricardo, dans sa jeunesse.
Nous passons la soirée autour d’un agréable apéro-dinatoire, accompagné en fond sonore du jazz de Claude Nougaro. Les discussions dérivent au gré des vents, entre les thématiques de la mer, du voyage et de l’aventure.

En découvrant un joli bouquin sur les nœuds de marin, la conversation glisse sur ce sujet. Jorge nous raconte alors ses déboires avec les nœuds, qui l’incita à se replonger dans cette bible. Dans sa jeunesse, par exemple, alors qu’il quittait le port de Buenos Aires avec son ami Ricardo, il lui demanda d’accrocher l’annexe du voilier au taquet du pont arrière. Mais après quelques miles, ils s’aperçurent que la petite barque ne suivait plus le sillon du voilier. Ne voulant pas incriminer son compagnon d’équipage, nous ne saurons jamais avec certitude, et ce malgré un fin sourire malicieux, qui du boute ou du nœud fut défaillant, mais une chose est sûre, l’annexe fut perdue. Quelques années plus tard, c’est en grimpant sur un toit, assuré par une corde, qu’une erreur de nœud aurait pu lui coûter la vie. Il lui fallu alors plusieurs jours de convalescence pour se remettre de cette chute de plusieurs mètres. C’est à la suite de cette mésaventure qu’il se jura de réviser et de poursuivre son apprentissage des nœuds ; avec pour objectif d’employer la technique la plus adaptée à chacune des situations du quotidien.

Au réveil, le temps que les tentes sèchent après la rosée du matin, nous rejoignons Jorge pour partager un petit-déjeuner fait de maté et de nœuds de marins. C’est par cette tradition qu’il entame chaque journée, et c’est avec grand plaisir que nous nous pliâmes à cette coutume ; apprenant, paille à la bouche, à réaliser les zigzags du nœud « jambe-de-chien » avant de reprendre notre périple vers Montevideo.

Sur les routes uruguayennes

English version available here.


Nous quittons Gualeguaychu, dernière ville argentine, de bon matin. Avant la frontière, nous passons par une station service et échangeons avec le pompiste, nos derniers Pesos contres quelques litres d’essence. Vingt kilomètres plus loin, nous passons le poste frontière argentin et traversons le pont qui enjambe le fleuve Uruguay pour rejoindre le pays du même nom. Une fois de l’autre côté, nous n’avions pas anticipé la présence d’une barrière de péage qui nous empêche de rejoindre le poste frontière Uruguayen. Le droit de passage sur le pont, n’est pas d’un montant très élevé, environ 1,50€, mais nous n’avons dans nos poches ni monnaie argentine, ni monnaie Uruguayenne pour le payer. Nous essayons, en vain, de négocier le passage des side-cars avec la personne du péage ; mais devons nous résigner à les garer sur le côté et passer à pied pour essayer de récupérer du liquide dans un petit commerce Duty Free du poste de frontière. Nous avons demandé si nous pouvions payer une bricole par carte, plus chère que son prix réel, et récupérer la différence en liquide, en vain. C’est finalement dans un restaurant, qu’un jeune serveur accepta d’offrir quelques Pesos à Marie et Émilie.

Quelques minutes plus tard, c’est donc au guidon des side-cars que nous traversons le péage pour rejoindre le poste frontière Uruguayen, premier poste frontière, où il n’est pas nécessaire de descendre de son véhicule pour obtenir le tampon du visa sur son passeport (nous avions cependant besoin d’aller à l’intérieur d’un bureau pour l’importation des véhicules). Dans ces conditions, les démarches administratives ne prendront que quelques instants et rapidement nous prenons la direction de Colonia del Sacramento.

Pour atteindre cette ville au riche passé historique, nous empruntons de jolies petites routes de campagne. Les platanes qui bordent la route, rappelle le Sud de la France.
Nous croisons un rallye de veilles voitures en chemin. Sur plus d’une dizaine de kilomètres, un défilé d’une centaine de bolides d’un autre temps, pilotés par des passionnés, nous font face. BMW, Ford et Fiat sont les marques plus représentées. À l’arrière du peloton, arrêtés sur le bord de la route, le nez dans le capot, les retardataires doivent faire face à de légers contre-temps mécaniques. Sous ce soleil estival, au contact de l’asphalte, les températures s’emballent et mettent les machines et les pilotes à rude épreuve.

La marque Fiat est d’ailleurs très implantée dans le pays. Sur la route, nous ne croisons pas les dernières voitures présentées par la marque aux salons automobiles ; mais bien de nombreuses vieilles Fiat Uno. Le plus souvent laissées au repos, sur une place de parking, à l’ombre d’un platane. On les reconnait à leur forme cubique singulière, les petits picots de rouille sur leurs carrosseries colorées, et leurs finitions intérieures faites de vieux plastique, de tissus bariolés et dépourvus de tout électronique. La Uno illustre parfaitement la simplicité des Uruguayens qui privilégient la discrétion de cette petite voiture aux affres des gros 4×4 que nous avons pu croiser dans des pays précédents.

Après avoir passé la nuit dans les alentours de Colonial del Sacramento, nous poursuivons notre périple vers Montevideo. En chemin, nous nous arrêtons dans l’une des nombreuses échoppes de bord de route, faites de bric et de broc. Nous y achetons du fromage et de la confiture de figue pour agrémenter nos futurs petits-déjeuners.
L’entrée dans la capitale Uruguayenne sonne la fin de l’aventure sur les routes d’Amérique du Sud. Nous offrons un dernier coup de propre aux bolides dans une station de lavage. Un charmant jeune homme joue de son éponge au rythme de la musique. Sur un son reggaeton, craché par une vieille enceinte, accrochée sur le mur jaune de son petit « parcadero-lavadero », il fait danser ses dreadlocks. Les side-cars en ressortent beaux comme des camions, parés pour la grande traversée. Celle qui les conduira de Montevideo à Riga en Lettonie.

Montevideo et la côte Uruguayenne – 7 jours – 43 mètres d’altitude

English version available here. 


C’est après avoir traversé le pont qui enjambe le fleuve Uruguay que nous entrons dans notre dernier pays d’Amérique du Sud de ce voyage. Après quelques kilomètres, l’heure du déjeuner se présente et nous faisons donc une pause dans la petite ville de Dolores. C’est dans une petite échoppe que nous nous arrêtons pour manger un sandwich sur le pouce. Nous y rencontrons Zuleika, la ravissante jeune femme qui travaille dans la boutique ; et Bruno un personnage étrange, dont on ne sait toujours pas s’il est d’ici ou d’ailleurs, qui nous parle avec passion de ses voyages en stop, en Uruguay et dans les pays limitrophes. Au moment de notre départ il nous offre des rubans rouges, qu’il accroche à nos poignets pour éloigner les actes de jalousie.

Nous atteignons en début d’après-midi, Colonia del Sacramento, une ville devenue célèbre pour sa tranquillité déconcertante. Située sur les rives du Rio de la Plata, face à Buenos Aires (que l’on peut rejoindre par bateau en un peu plus d’une heure), cet ancien bastion fut fondé par les portugais en 1680. Pendant près d’un siècle, les espagnols se sont opposés à eux pour prendre le contrôle de la ville. Il l’ont finalement emporté après un siècle de bataille. La promenade au gré des petites rues pavées, dans l’enceinte de l’ancienne citadelle, permet de découvrir les jolis trésors du quartier historique, ses vieilles maisons colorées, ses plantes exotiques et sa petite digue où de nombreux pêcheurs viennent jeter l’hameçon. Un endroit où l’on a pris plaisir à flâner, apprécier une pause en terrasse sur une de ses nombreuses petites places, et observer l’océan à côté des jeunes uruguayens assis leur banc, le maté sous le bras.

Le voyage se poursuit jusqu’à Montevideo, une ville cosmopolite tournée vers l’océan.
Au lendemain de notre arrivée dans la capitale, nous profitons de notre passage dans les bureaux de Wave.VS, l’entreprise en charge de l’acheminement des side-cars vers la Lettonie, pour se promener dans les rues adjacentes qui offrent un premier aperçu du quartier historique de la ville.

En revanche les jours suivants sont surtout l’occasion de préparer les véhicules au grand voyage. Les journées s’organisent autours de sessions de machines à laver, de coups de propre sur les équipements de camping et d’ateliers mécaniques.

Trois jours après nos premiers pas dans la capitale, arrive le moment du chargement ; qui brusquement, en l’espace d’un instant, nous fait passer du statut de motard à celui de piéton.


Nous profitons de la fin d’après-midi pour visiter à pied, casque sous le bras, les alentours du port. Nous remontons jusqu’à l’immense place du palais législatif, bâtiment imposant à l’architecture inspirée de la Grèce Antique. C’est sur la place Juan Pedro Fabini que nous terminons notre promenade et rentrons à l’aide d’un bus dans nos quartiers.

Le lendemain après une grasse matinée, nous reprenons notre visite là où nous l’avions laissée la veille, en descendant du bus au même arrêt. Nous parcourons à pied le quartier historique et découvrons ses multiples œuvres de street-art. Nous débutons notre pérégrination par la large place de l’Indépendance, avant de nous aventurer dans la jolie rue Sarandi et de découvrir le marché du port. Ces anciens entrepôts ont conservé leur architecture industrielle, et sont devenus un haut lieu de gastronomie locale. Ils contiennent de nombreuses échoppes où l’on peut déguster d’excellents asados. Une douce odeur de viande grillée s’échappe d’ailleurs des entrailles de ce bâtiment où il règne une ambiance populaire et festive à toute heure de la journée. Une fois passée la pointe qui marque l’entrée dans la baie de Montevideo, nous poursuivons notre balade sur les ramblas avant de grimper au 22e étage du palais municipal pour admirer la vue panoramique sur l’ensemble de la ville.

Pour notre dernier jour en Uruguay, nous décidons de nous rendre à l’aéroport pour louer une voiture et partir visiter la côte située au Nord de la capitale. Nous partons donc en direction de Piriapolis, une petite citée balnéaire sans grand charme mais avec une belle plage de sable fin.

Nous assistons à l’arrivée des derniers coureurs de l’étape du tour cycliste de l’Uruguay. Une course bien plus accessible que notre Tour de France, où la simplicité est de rigueur et où les interviews des vainqueurs se font dans des chaises de plage.
La vue de tous ces sportifs a creusé notre appétit et c’est donc sur cette promenade de bord de mer que nous nous sommes laissés tenter par la dégustation d’un Chivito (copieux sandwich local à base de bœuf, garni de bacon, de fromage, de poivrons rôtis, de tomates et recouvert d’un œuf sur le plat) face à l’océan.

À notre retour dans la capitale, nous assistons au coucher du soleil depuis le haut du phare de la Punta Carretas, avant de rentrer faire nos sacs pour l’avion du lendemain. Une page de ce voyage se tourne, au fur-et-à-mesure que le soleil plonge dans l’océan.


NOTRE COUP DE COEUR
Où manger ?

Le marché du port

Le Mercado del Puerto, dans sa version originale, est un arrêt gastronomique obligatoire pour tout amateur de bonne viande. Très touristique de par son emplacement dans la vieille ville, il a tout de même su conserver son atmosphère populaire et festive. Prenez place au comptoir face au barbecue et savourez votre viande le couteau entre les dents !